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Musée et enseignement de l’histoire – Étude de cas : le Musée du ski des Laurentides

Posted by Philippe Denis
6 October 2015 - 6:31pm

Dans le cadre de notre deuxième publication sur le blogue de THEN/HiER, nous nous étions intéressés sous le titre évocateur « Réflexion ou qu’est-ce que les collections muséales peuvent nous apprendre ? » au contact avec l’Histoire que fait naître la contemplation d’une œuvre d’art, voire d’un objet, en autant que nous y soyons sensibles. Sous une autre formule, nous reprenons donc aujourd’hui l’idée sous-jacente à cette communication.

Durant la dernière année, de nouvelles responsabilités nous ont amenés à parcourir les régions québécoises afin d’y découvrir l’offre muséale. Habitué à une certaine forme d’élitisme culturel propre aux grands centres urbains, quelle ne fut pas notre surprise de constater la richesse de ces véritables « lieux de mémoire », au sens du terme développé par l’historien Pierre Nora. Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa.

En effet, les responsables et le personnel de ces sites historiques, de ces centres d’interprétations et de diffusion … déploient malgré des ressources limitées – nous n’ignorons pas que plusieurs subventions ont été abolies dernièrement – des efforts considérables pour attirer différents publics et proposer des activités qui permettent à tous de prendre connaissance des diverses particularités de leur région. Et, de notre passé collectif, car jusqu’à l’avènement de certaines valeurs socio-politiques dans les décennies 1960 et 1970 – nationalisme, syndicalisme, populaire –, les gouvernements considéraient les régionalismes pour mieux les aplanir au profit d’une vision moderne de l’État-Nation. L’ouvrage du professeur Richard Morin, La Régionalisation au Québec, explicite bien cette réalité.

Faute de pouvoir énumérer toutes les visites que nous avons effectuées, notre choix comme présent et bref cas d’étude s’est porté sur le Musée du ski des Laurentides. En effet, malgré l’exiguïté des lieux, la mise en exposition y est exemplaire. Après avoir rougi, certaines institutions pourraient s’inspirer du professionnalisme qui y est déployé. Ainsi, dès l’entrée, la configuration du lieu invite le visiteur à considérer deux histoires parallèles, celles du développement régional (à gauche) et celle de la pratique sportive (à droite), afin d’être conscientisé au fait que l’une n’est pas allée sans l’autre dans ce coin de pays.

Au-delà du mythique curé Labelle, sous-ministre à la colonialisation, et du « petit train du Nord », c’est tout un monde de personnes plus ou moins anonymes – les premiers moniteurs fraîchement importés des Alpes autrichiennes, les sportifs de tous les calibres et les habitants – qui se laissent découvrir, voire redécouvrir. Ce sont également des endroits, car aux pentes encore en activité s’ajoute un nombre important de pistes qui n’ont pas eu cette opportunité.

Nous ne pouvons passer aussi sous silence l’exposition temporaire présentée dans le salon du « Temple de la Renommée », qui met en valeur plusieurs athlètes nationaux qui ont développé et promu ce sport d’hiver, comme les jumelles Rhona et Rhoda Wurtele. Bien que le temps ait fait son œuvre dans la mémoire collective, l’actuelle présentation permet de mettre un frein à ce triste constat et de renouveler avec ces dernières, détentrices de maints records du monde comme l’attestent les nombreuses médailles et coupes exposées. Mais, ce qui n’aurait pu être qu’un hommage didactique prend ici une forme humaine. D’ailleurs cette sensibilité est présente au cœur même du musée par la présentation de divers objets – sacs, vêtements, accessoires, … – qui font échos aux photographies où nous les apercevons sous leur forme utilitaire, non celle de commémoration qu’ils ont acquise.

Et, pour convaincre ceux qui ne seraient pas encore persuadés que les musées en région offrent un intérêt, nous vous écrivons que parfois il faut s’éloigner pour mieux se comprendre. Ainsi, nous avons appris beaucoup à travers le regard de cette institution de Saint-Sauveur sur le développement et les réalités de bourgeoisie montréalaise, ce qui rend tangible l’ouvrage, bien que nous doutions qu’il ait joué un rôle dans la scénographie, de Margaret Westley, Grandeur et déclin l’élite anglo-protestante de Montréal : 1900-1950. Un développement qui s’avère donc finalement réciproque, puisque dépendant.

Enfin, nous aurions pu sélectionner un autre musée pour cette communication, ce qui nous aurait amené dans une toute autre direction, mais n’en aurait pas pour autant été moins une passerelle offerte vers l’Histoire.

Ainsi, sans partir à l’aventure, c’est une invitation à découvrir qui vous est lancée aujourd’hui.