L’histoire par delà l’humanité (Sean Kheraj)
À quoi ressemble l’histoire lorsqu’elle est perçue sous un angle non humain? Si la population humaine était considérée comme un des éléments d’une vaste communauté biologique, comment cela changerait-il nos récits sur le passé? Et si l’histoire ne plaçait pas les humains au centre du récit?
Voilà le type de questions qui intéresse les historiens de l’environnement et ce sont les grandes questions qui animent ma recherche. Bien sûr, les historiens de l’environnement sont préoccupés par le rôle des personnes dans le passé, mais ils portent surtout attention à la relation entre la population et les communautés écologiques dont elle fait partie.
Mon premier livre explore les relations multiples entre les humains et une petite péninsule dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique que nous connaissons comme le parc Stanley. Situé à l’ouest du centre-ville de Vancouver, le parc a acquis une grande valeur culturelle et écologique pour les résidents de la troisième ville en importance au Canada. En fait, à la suite des violentes tempêtes de 2006-2007, des donateurs privés et tous les niveaux de gouvernements ont fourni des millions de dollars pour nettoyer et restaurer le parc. Cette grande générosité illustre l’importance extraordinaire de cette péninsule boisée et Inventing Stanley Park (UBC Press, 2013) tente d’expliquer les raisons de cette importance. Le livre couvre l’histoire du parc à partir de son lointain passé géologique jusqu’à aujourd’hui, dont sa première occupation par les Salish, une population côtière amérindienne, l’arrivée des colons européens et asiatiques et finalement sa transformation en parc urbain. Tout au long de l’histoire du parc, des forces non humaines ont constamment altéré l’écologie de la péninsule : la pluie a dévasté les routes, les animaux sauvages se sont attaqués aux animaux du zoo, le feu et le vent ont détruit la forêt et les insectes ont ravagé les arbres. À chaque étape de cette histoire, des acteurs non humains permanents et souvent instables ont agi comme intermédiaires entre la population et son parc.
Je me suis ensuite demandé si cette relation s’appliquait aussi entre une population et la ville qu’elle habite. Jusqu’où les facteurs non humains ont-ils influencé le développement et la croissance des milieux urbains industriels aux 19e et 20e siècles? Je cherche plus particulièrement à comprendre comment les milieux urbains ont été façonnés par les milliers d’animaux humains et non humains qui cohabitent dans les villes. Comment ces environnements ont-ils changé la relation entre la population et les autres animaux au fil du temps? Dans mon nouvel ouvrage, j’étudie les règlements sur les animaux domestiques dans les villes canadiennes au 19e siècle, une période où les humains possédaient des milliers de chevaux, de porcs, de vaches et de poulets dans des centres urbains en pleine croissance comme Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver.
Ma formation d’historien de l’environnement a été grandement influencée par ma contribution numérique à Nouvelle initiative canadienne en histoire de l'environnement (NiCHE). Ce réseau de chercheurs en histoire m’a fourni l’occasion d’expérimenter de nouvelles formes de communications scientifiques dont le blogue, la baladodiffusion et les applications pour réseau mobile. En 2008, j’ai lancé Nature’s Past, un balado sur l’histoire de l’environnement au Canada et, en 2009, le blogue Sean Kheraj, Canadian History and Environment. Ces projets d’histoire numérique m’ont poussé à explorer d’autres formes de communications scientifiques dont la vidéo numérique et la conception d'applications mobiles. Chacun de ces projets m’a permis de faire connaître et de diffuser l’histoire de l’environnement auprès de nouveaux publics.
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