L’histoire orale à l’Université Concordia (Steven High)
Les nouveaux médias changent rapidement notre rapport à l’histoire orale, à l’histoire appliquée et la façon dont nous les pratiquons. En effet, les historiens ont maintenant à leur disposition toute une gamme de technologies numériques pour enregistrer, organiser, cataloguer, interpréter, partager et diffuser les récits qu’ils recueillent. En histoire orale, nous sommes dans une période charnière, en particulier quant à la façon dont nous réfléchissons à ce qui se passe après une entrevue. C’est là un point important : nous, les historiens qui pratiquons l’histoire orale, sommes tellement concentrés sur la production de l’entrevue qu’il est remarquable de constater le peu de temps consacré à l’utilisation des enregistrements audio ou vidéo. Michael Frisch a dit que « [le] plus grand secret de l’histoire orale est que personne ne prend vraiment le temps d’écouter ou de regarder les entrevues enregistrées et recueillies ». Les nouvelles technologies numériques ont matérialisé l’immatériel au cours des dernières années. Selon le spécialiste du folklore Laurier Turgeon de l’Université Laval, il en résulte « une nouvelle ère patrimoniale. » Les gens recherchent un patrimoine interactif, participatif et vivant. Ces tendances ont des répercussions importantes sur l’enseignement de l’histoire.
Le Centre d’histoire orale et de récits numérisés de l’Université Concordia regroupe plus de 200 professeurs, étudiants, éducateurs, praticiens des nouveaux médias, activistes, organismes voués au patrimoine et à l’histoire ainsi que des groupes communautaires. Cette communauté de pratique diversifiée explore les intersections entre l’histoire orale, les nouveaux médias et les arts, et les résultats sont souvent inspirants.
Histoires de vie Montréal, un projet de grande envergure de l’Alliance de recherche universités-communautés (ARUC), entame sa dernière année. Le projet vise à enregistrer l’histoire de vie de Montréalais déplacés par la guerre, le génocide et autres violations aux droits de la personne. Ces entrevues sont ensuite intégrées dans des récits numériques en ligne, des tournées audio, des performances, des installations artistiques, des expositions, de la programmation radio et du matériel pédagogique. Nous avons travaillé avec les élèves de deux classes de 11e année à la conception d’un projet d’histoire orale échelonné sur une année entière. À partir de cette thématique, ils ont produit un documentaire et une exposition. Ces projets ont remporté un prix de la Oral History Association (É.-U.) pour le meilleur exemple d’enseignement de l’histoire orale en Amérique du Nord ainsi que le Prix pour l’engagement étudiant de l’organisme Forces Avenir au Québec. Vous pouvez visionner le documentaire Life in the Open Prison sur le site web de Citizen Shift. Un autre de nos étudiants, Paul Tom, a pour sa part remporté le prix pour la meilleure production étudiante, catégorie animation, au Festival des films du monde 2010. Par ailleurs, les sites Citizen Shift et Parole citoyenne abritent les récits numériques coproduits par les survivants ainsi que les balados de plus de 26 documentaires radiophoniques produits par notre équipe de production radio.
L’an passé, j’ai été invité à participer à la rédaction d’un rapport et à la création d’un portail web sur l’histoire orale et les nouveaux médias pour le CRSH (disponible pour téléchargement sur notre site The Oral Historian’s Digital Toolbox). Ce projet explore la façon dont les outils numériques nous permettent d’accéder à des récits et de les partager, de les localiser et de les archiver plus facilement que jamais. C’est une ressource utile pour les enseignants, tout comme l’est notre page de bons conseils. Par ailleurs, l’équipe du Centre d’histoire orale qui est chargée du développement de logiciels a récemment sorti une nouvelle version de Stories Matter, une alternative à la transcription, développée à l’interne et offerte sous la forme d’un logiciel gratuit et ouvert. Nous avons fait une demande de financement pour la conception d’un nouvel outil pour cartographier les mémoires et établir la position géographique des séquences d’entrevues afin de produire des cartes de mémoires de vie.
Le Centre d’histoire orale abrite des dizaines de projets, petits et grands. Voici cinq exemples produits au cours de la dernière année et qui sauront vous inspirer :
- La cinéaste affiliée Liz Miller et le YWCA ont travaillé avec un groupe de 8 jeunes réfugiées à la création d’un tour en autocar du « paysage mémoriel » de Montréal. L’autobus a servi d’immense espace où raconter les histoires. Les jeunes femmes y ont exploré leurs histoires de migration et de déplacement. Visionnez la vidéo Life Stories / Going Places Bus Tour.
- Un groupe d’élèves du James Lyng High School en collaboration avec Say It Loud, Say it Proud a produit une chanson hip-hop sur l’histoire des Noirs et sur leur quartier. Le résultat : Burgundy Dreams.
- J’ai travaillé avec le Centre d’histoire de Montréal pour créer l’exposition d’histoire orale Quartiers disparus qui explore les enjeux politiques et mémoriels entourant la démolition de trois quartiers ouvriers dans les années 1950 et 1960. L’exposition se poursuit jusqu’en mars 2012.
- Une exposition sur l’histoire orale et les beaux-arts, In-tur-pri-tey-shunz, a été organisée par Pohanna Pyne Feinberg à la galerie FoFa. Écoutez son entrevue balado My Little Voice Can’t Lie avec l’artiste Khadija Baker.
- Le Centre d’histoire orale et le Réseau du patrimoine anglophone du Québec ont collaboré à la création de la base de données SHOMI (Spoken Heritage Online Multimedia Initiative). Nous avons numérisé 400 heures d’entrevues qui étaient sur bande (enregistrées depuis les années 1960) et nous en avons créé une base de données interrogeable.
Nos étudiants produisent eux aussi des travaux tout aussi captivants qui se trouvent au Memoryscapes Website. Mon plan de cours en histoire orale est également disponible sur notre site web.
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