Skip to Content

L’apport du peintre Toussaint-Xénophon Renaud au Très-Saint-Nom-de-Jésus, incursion dans le patrimoine religieux (deuxième partie)

Posted by Philippe Denis
22 Mars 2015 - 12:07pm

Pour lire la première partie de ce texte, cliquez ici.

 

Troisième acte : la redécouverte de son travail

En effet, c’est à l’automne 2009, date à laquelle nous terminions la première partie de cette communication, que l’apport du peintre Toussaint-Xénophon Renaud Renaud au Très-Saint-Nom-de-Jésus faillit disparaître, voire plus précisément lorsque l’évêché montréalais décida de fermer les portes de l’église, conséquence du déclin du nombre de fidèles et des revenus que ces derniers engendrent. Et, nonobstant l’initiative prise pour demander au ministère de la Culture du Québec, le classement du lieu et de ses grandes orgues Casavant, parmi les plus beaux exemples produits par l’entreprise de Saint-Hyacinthe, au Québec, son avenir resta incertain jusqu’à récemment. En cela, le lieu ne fait pas figure d’exception, puisqu’une vaste majorité d’édifices religieux connut un sort similaire au tournant du nouveau millénaire et dans les années qui suivirent.

Outre la perception de certains chercheurs qui voient dans ces fermetures, la conséquence d’une déconsidération qui s’accentue depuis les années 1970, comme exposée dans les actes du colloque Quel avenir pour nos églises?, publiés suite à l’événement organisé et tenu le 21 mai 2005, à Saint-Thégonnec (Bretagne, France), en partenariat avec le Centre interuniversitaire d’Études sur les Lettres, les Arts et les Traditions (CELAT), des participants, parfois les mêmes, exposent aussi que ce mouvement qui traverse en grande partie l’Occident d’aujourd’hui, équivaudra sur le maintien et la préservation des monuments religieux, à l’iconoclasme de la Révolution française, première cause de destruction des bâtiments religieux en France. Transposée chez nous, cette réalité traduit aussi notre manque collectif d’intérêt pour ce type de patrimoine. Nous oublions que la métropole québécoise fut « la ville de cent clochés », comme la qualifia l’écrivain américain, Mark Twain, en 1881. Cette désignation aurait d’ailleurs pu s’étendre à l’époque et pour une bonne partie du XXe siècle, à l’ensemble de la province.

Ce manque d’intérêt ou du moins l’impossibilité devant laquelle nous sommes aujourd’hui de tout préserver, il nous semble aussi le constater dans les publications du Conseil du patrimoine religieux du Québec. En effet, par le biais de six « cahiers mettant en lumière autant de projets de réutilisation jugés exemplaires afin d’encourager la réalisation d’autres initiatives porteuses pour le développement de Montréal et la préservation de son identité », diffusés à l’été 2014, il encourage la transformation des lieux de culte. Certes, transformés, nous pouvons nous réjouir que ces bâtiments ne soient pas détruits, mais cette mise de l’avant traduit une question sous-jacente, est-ce que le visiteur va remplacer le fidèle? La transformation au profit de la culture, voire des loisirs, est-elle l’unique moyen de sauvegarde envisageable?

Cette réalité, l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus va peut-être y échapper. En effet, cette dernière a fait l’objet rapidement d’une observation de la part d’Héritage Montréal, dès sa fermeture. Certes, ce regroupement n’a pas en sa possession toutes les ressources pour empêcher la destruction ou la transformation des lieux qu’il sélectionne, par exemple la maison Redpath (détruite en 2014), mais il possède celle d’attirer l’attention d’un public. Outre cette surveillance et bien qu’une climatisation minimale y fût maintenue, cela n’empêcha pas la dégradation lente, celle des toiles de Renaud, mais aussi de divers éléments architecturaux dans l’église. L’exemple le plus frappant est le détachement d’une grande partie du plâtre de la rosace du chœur qui s’effondra quelques dizaines de mètres plus bas.

Mais, la volonté récente d’ouvrir à nouveau les portes suite à des travaux de consolidation et de restauration de certains éléments permet à nouveau d’admirer, ou du moins de préserver l’œuvre majeure du peintre T.-X. Renaud. Nous ne pouvons par contre que déplorer le fait que faute encore de moyens financier et humain, bien que nous ne nions pas la volonté, ni le travail réalisé par les différents corps de métier qui ont œuvré sur le chantier, que la restauration n’ait pu être complétée, puisqu’elle s’arrête au chœur.

Bien que ce soit le seul endroit où l’apport de Renaud est encore intègre de toutes transformations, nos travaux préparatoires nous ont permis de cibler certaines divergences dans les informations disponibles. Ces dernières, glanées à droite et à gauche, nous ont effectivement permis de remarquer que parfois leur chronologie diverge. Ainsi, nous avons indiqué dans la première partie, que les travaux avaient débuté à l’automne 1913 pour se terminer en 1915, alors que sur le site électronique de l’Inventaire des lieux de culte du Québec, ils débutent en 1914. Il précise par contre que le contrat a été signé en décembre 1913, mais leur réalisation et marouflage se poursuivent jusqu’en 1918. Ainsi, ce constat explicite le fait qu’il reste encore beaucoup de lacunes quant à ce qui a trait à la documentation et à la recherche de nos lieux de culte et des artistes qui y ont œuvré.

Ne reste plus qu’à souhaiter que le vœu actuel de conserver et de permettre l’accès aux patrimoines artistique et religieux du Très-Saint-Nom-de-Jésus fera partie intégrante des préoccupations futures des différentes instances qui doivent voir à son maintien, et que le rideau de scène ne tombera pas au final.

Un merci tout particulier à Monsieur Mathieu Pennaroya, artiste peintre et restaurateur, de m’avoir suggéré ce sujet et fait vivre, le temps d’une courte visite, sa pratique quotidienne sur ce chantier.

 

RÉFÉRENCES :

MENARD, Réal E., Cent ans d’histoire 1888-1988 : Paroisse Très-Saint-Nom-de-Jésus, Montréal, Atelier d’histoire Hochelaga-Maisonneuve, 1988, 156 pages.

RENAUD, Marc, T.-X. Renaud Décorateur d’églises et artistes peintre Élève de Napoléon Bourassa, disciple d’Édouard Meloche, Montréal, Les Éditions Carte blanche, 2006, 211 pages.

ROUDAUT, Fanch (sous la dir.), Quel avenir pour nos églises?, Actes du colloque Quel avenir pour nos églises?, Saint-Thégonnec 21 mai 2005, Brest (France), CRBC Faculté des Lettres et Sciences sociales Victor-Segalen, 220 pages.

< http://www.lieuxdeculte.qc.ca/fiche.php?LIEU_CULTE_ID=58341 > Consulté le 3 mars 2015.

< http://www.patrimoine-religieux.qc.ca/fr/pdf/bulletins/bulletin_v14_no2.pdf > Consulté le 3 mars 2015.

< http://www.heritagemontreal.org/fr/category/sites-menaces/ > Consulté le 3 mars 2015.