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L'apport du peintre Toussaint-Xénophon Renaud au Très-Saint-Nom-de-Jésus, incursion dans le patrimoine religieux (première partie)

Posted by Philippe Denis
1 February 2015 - 5:26pm

Il est étonnant de constater combien notre passé collectif ou personnel nous rattrape au moment les plus inattendus à l’image de ces coups de théâtre qui nous maintiennent en haleine, parfois, jusqu’à la tombée du rideau. Certains souvenirs d’enfance nous reviennent, telle l’admiration craintive d’une peinture représentant l’œil de Dieu, décorant le plafond d’une église, Saint-Mathieu-de-Beloeil pour ne pas la nommer, dans laquelle une grand-mère nous avait amenée. Quel n’est donc pas notre étonnement de retrouver les années passées, la présence du peintre qui a exécuté ce même symbole divin dans une conversation animée entres amis, où tous discutent de ce sur quoi ils et elles travaillent sans se douter de ce qui se trame, des résonnances provoquées en chacun. Cette anecdote reflète bien ce qui est advenu dans les derniers mois, de même elle explique les raisons pour lesquelles le présent article sera consacré au peintre Toussaint-Xénophon Renaud (1860-1946), voire plus particulièrement, à son travail à l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, dans l’arrondissement montréalais, Hochelaga-Maisonneuve, et dont la réouverture en décembre 2014, pour les Fêtes, a défrayé l’actualité.

Donc, pour poursuivre dans un vocabulaire propre au théâtre, notons au passage que le peintre a participé à la décoration de l’un d’eux durant sa longue carrière, nous développerons notre propos en trois actes, quel était son parcours avant son apport à la décoration de cet édifice religieux important et imposant, de quelle nature y fut sa participation, et la redécouverte de son travail que permet la réouverture du lieu.

Premier acte :

Comme celle de nombreux confrères, décorateurs ou non d’églises, qui y effectueront un passage (François-Édouard Meloche (1855-1914), Joseph-Charles Franchère (1866-1921), Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté (1869-1937), …), la vocation artistique du peintre T.-X. Renaud débute alors qu’il est élève à l’Institut national de Beaux-Arts appliqués à l’Industrie, de l’abbé Joseph Chabert (1831-1894). Ouvert en janvier 1871, grâce au soutien de plusieurs bienfaiteurs, dont l’industriel Jean-Baptiste Prat, dit John Pratt (1812-1876), l’Institut accueille gratuitement de jeunes adolescents issus du monde ouvrier, milieu auquel appartient Renaud. Elle répond ainsi à une critique du peintre Napoléon Bourassa (1827-1916), quant à l’absence d’un enseignement pratique des beaux-arts à Montréal, qui pourrait combler le besoin croissant de main-d’œuvre possédant une connaissance des arts et des sciences appliqués à l’industrie en pleine croissance.

L’Institut ayant dû fermer ses portes faute de moyens, ses prédispositions remarquées, tout comme celles d’autres élèves, dont Meloche, lui permirent de devenir l’un des apprentis de Bourassa et de participer à l’un de ses premiers chantiers religieux, celui de Notre-Dame-de-Lourdes, dont le décor intérieur fut inauguré le 22 juin 1880. Accueillant toujours des fidèles, l’église au coin des rues Berri et Sainte-Catherine, est encadrée aujourd’hui, par certains bâtiments de l’Université du Québec à Montréal.

De son passage à la « pépinière » de l’abbé Chabert, comme il la désignait, et dans l’atelier de Bourassa, une relation de collaborateur avec Meloche s’en suivit pendant une quinzaine d’années. Parcourant ensemble une vaste partie des provinces de l’est canadien et du nord-est des États-Unis, ils y réalisent et décorent de nombreux temples et églises. Mais, pour diverses raisons, seul Renaud poursuit dans cette voie durant encore de longues années.

Deuxième acte :

C’est ainsi, que seul Renaud participe seul à l’imposante décoration intérieure de l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, qui est et reste son plus grand chantier. Construite en une unique phase selon les plans des architectes Albert Mesnard (1847-1909) et Charles A. Reeves (1872-1948), de 1903 à 1906, sa décoration fut par contre réalisée en deux temps. Pour des raisons financières évidentes, il est alors d’usage d’embellir églises et temples quelques années après la fin de leur construction. La « cathédrale » de Maisonneuve n’est donc pas une figure d’exception, et, bien que des travaux d’ornementation y sont entrepris en 1905-1906, ce n’est qu’à l’automne 1913 et jusqu’en 1915, sous la volonté du curé Édouard Constant (?-?), surnommé « Le Prince », que Renaud est mandaté pour la réalisation de quatorze tableaux en hémicycle, d’un diamètre 4,5 mètres chacun, marouflés ensuite au niveau de la corniche. Évoquant les mystères du Rosaire, ceux-ci se déploient tout au long de la nef, et s’ajoutent à l’exécution de différents éléments décoratifs, colonnes peintes en faux-marbres, arches, … . L’ensemble confère donc une apparente richesse, conforme à la considération de l’église comme épicentre de la vie sociale, mais aussi à la volonté du curé Constant, d’y voir le témoignage de l’attachement et de la générosité des fidèles envers cette dernière.

"Je désire embellir notre église d’un chemin de croix de quinze magnifiques tableaux représentant les mystères du Rosaire et acheter des verrières avec divers personnages. Je ne vois pas de plus belle occasion pour vous de perpétuer ainsi votre générosité et votre bon cœur."

Mais, bien qu’elles soient relativement grandes, l’emplacement de ces œuvres polychromes les rend tout de même difficilement visibles. De plus, ce qui ne facilitait pas leurs études jusqu’à récemment ou du moins leur attribution à Renaud, c’est qu’elles sont anonymes. D’ailleurs, l’ouvrage de Ménard publié lors des commémorations du centenaire de la paroisse de Maisonneuve, en 1988, l’explicite, puisqu’il écrit que bien que la quintessence de la décoration se retrouve dans les tableaux de la nef, il ne peut en donner plus d’informations, outre que leurs qualités plastiques et techniques. Cette réalité restera effective jusqu’aux travaux entrepris par le petit-fils du peintre, Marc Renaud, et la parution de ses résultats en 2006.

Mais, tout l’apport du peintre Renaud au Très-Saint-Nom-de-Jésus faillit disparaître en 2009, lorsque le rideau descendit à la fin du second acte.

 

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