Enseigner l’histoire par le biais de médias culturels (Vincent Boutonnet)
Il ne faut pas chercher loin dans le tréfonds de notre mémoire pour se rappeler entendre dans une classe d’histoire (du primaire à l’université) : « Ouvrez votre manuel à la page 145 ». Si certains élèves sont prompts à la tâche, il faut bien avouer que d’autres prennent plaisir à le sortir le plus lentement possible ou à l’oublier volontairement dans son casier dans l’espoir de s’évader de la classe pour un temps…
Cela peut nous faire sourire, et cela devrait en fait (!), mais pour être sérieux nous pourrions aussi nous poser la question de la survie d’un tel outil dans nos classes avec l’avènement d’internet, des tablettes, des tableaux interactifs et de tous ces nouveaux outils numériques dans nos classes modernes. En fait, dans le domaine de la didactique de l’histoire, le manuel est un objet de recherche très populaire et tout à fait pertinent, en particulier pour l’analyse de ses contenus, ses biais, ses erreurs, ses silences, etc. Cependant, peu de chercheurs se sont intéressés à son usage dans la classe, même si nous disposons de nombreuses statistiques, au travers du monde, qui démontrent un usage encore important. Cela dit, la connaissance de cet usage important nous indique très peu sur son utilisation en classe et sur ses différentes modalités d’intégration.
C’est pourquoi, au-delà de mon intérêt pour la recherche sur le contenu des manuels (et pour avoir collaboré à divers projets de cette nature), mon questionnement s’est aussi porté sur les pratiques enseignantes. Ma thèse doctorale, Les ressources didactiques : typologie d’usages en lien avec la méthode historique et l’intervention éducative d’enseignants d’histoire au secondaire, a eu précisément pour objectif cette problématique. Au travers d’un sondage, d’entretiens semi-dirigés et de nombreuses observations en classe de l’usage du manuel et de beaucoup d’autres ressources disponibles (cartes, sources écrites, films, etc.), des interactions dans la classe et des diverses modalités constatées (lecture à voix haute par l’enseignant, lecture individuelle afin de compléter un exercice, observation d’une photographie par les élèves, etc.), les pratiques enseignantes se sont avérées complexes et diversifiées. La pertinence de trois types d’usage de ressources identifiés par cette recherche relève des données : intensif, extensif et critique, dans lesquels la ressource didactique est utilisée de manière intensive, comme illustration au récit de l’enseignant, ou comme support à l’exercice de la méthode historique, respectivement. En plus, les méthodes d’enseignement peuvent se rattacher au conceptions des enseignants sur l’enseignement et l’apprentissage en histoire. Ceci est expliqué de manière plus approfondie dans ma thèse.
Plusieurs enseignants préfèrent utiliser ce qui leur convient dans le manuel qui peut parfois rester sur les étagères sans être utilisé. En fait, ces enseignants avouent avoir délaissé graduellement le manuel afin de rassembler et proposer leur propre matériel. Or, les raisons qui motivent cet usage partiel et éclaté sont la plupart du temps des contraintes institutionnelles ou sociales (le manque de temps, la lourdeur du curriculum, la pression de l’examen). Il convient donc de continuer à s’intéresser à ses diverses pratiques et à ses diverses conceptions qui évoluent au fil de leurs expériences.
La suite logique de ce projet doctoral est de s’intéresser à la formation initiale et donc de comprendre comment les futurs enseignants envisagent leurs usages des différentes ressources didactiques. Cette recherche est en cours et sera publiée bientôt.
Le film et le jeu vidéo historiques font aussi l’objet de divers projets dans la salle de classe. Le jeu vidéo est populaire auprès des jeunes et le développement technologique permet une immersion et une simulation réaliste de contextes historiques particuliers. Au même titre, les films historiques proposent des reconstitutions intéressantes. Cependant, il importe de s’intéresser à l’influence de ces médias culturels sur la représentation historique des jeunes. Par exemple, un jeu vidéo historique tel qu’Assassin’s Creed III, malgré son scénario fictif, recrée un univers ouvert et réaliste lors de la révolution américaine. Il faut préciser que le scénario reprend des évènements ou des personnages historiques sans réellement distinguer le fictif de l’historique. Mes collègues et moi proposons donc d’examiner la manière dont les élèves font cette distinction et comment ils perçoivent l’agentivité historique proposée par ce médium. Ce projet est en développement et a fait l’objet d’une demande de subvention CRSH – développement savoir. À suivre…
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