À quoi les manuels d’histoire servent-ils?

Les manuels d’histoire sont-ils des outils servant à faciliter le développement de la pensée historique chez l’élève? Sont-ils adaptés aux finalités des programmes d’histoire telles qu’établies dans la plupart des provinces canadiennes? Les manuels d’histoire que nous avons sous les yeux relèvent d’un genre textuel qui reflète la conception de l’histoire scolaire toujours dominante dans l’institution scolaire, aujourd’hui. En effet, l’histoire qui est racontée dans nos manuels d’histoire se présente comme un calque de la réalité passée. Pour nommer cette approche à l’histoire scolaire, Nicole Tutiaux-Guillon (2008) utilise avec justesse les termes paradigme pédagogique positiviste et paradigme du plain pied au monde et au passé.

Le texte principal du manuel d’histoire est généralement constitué du récit consensuel, fermé et apparemment objectif d’événements du passé. Ce texte est accompagné de documents d’appoint (sources premières, tableaux, documents iconographiques, cartes, etc.) qui ne servent qu’à expliciter ou à illustrer le propos de la narration. Les questions et les activités ont pour fonction essentielle d’amener l’élève à repérer des éléments d’information jugés importants.  Les impasses crées par l’asservissement de la pédagogie à la dictature du manuel sont nombreuses. Celles-ci concernent notamment l’apprentissage des concepts historiques, dont celui de démocratie, comme l’ont montré D. Lefrançois, M.-A. Éthier, F. Dupuis-Déri et S. Demers (2012). De plus, les mécanismes de prise en charge énonciative qui sont à l’œuvre dans le manuel d’histoire ainsi que l’infrastructure générale du texte ne permettent pas aux élèves de lever le voile sur l’interprétation imputable à l’auteur, ni de mettre à nu les arguments sur lesquels celle-ci est fondée.  Tout dans le manuel d’histoire renforce ainsi l’idée que l’histoire est un calque de la réalité passée. Où est le développement de la pensée historique dans tout ça?

Michel P. Trudeau

Références bibliographiques

Lefrançois, D; Éthier, M.-A.; Dupuis-Déri , F. et S. Demers (2012). « Les citoyens font-ils l’histoire dans les manuels d’histoire au Québec? ». Enjeux de l’univers social, volume 8, numéro 3, pp. 16-20

Tutiaux-Guillon, N. (2008). «Interpréter la stabilité d’une discipline scolaire: l’histoire-géographie dans le secondaire français. In Audigier, François et Tutiaux-Guillon (Dir.).Compétences et contenus. De Boeck : Bruxelles, 2008, pages 117-146