« Nous ne savons pas ce qui est arrivé » : ce que les élèves comprennent du 11-Septembre et de son contexte élargi après plus d’une décennie (Alison Kitson)
En septembre 2011, dix ans après les attentats terroristes contre les É.-U., communément appelés 11-Septembre ou 9/11 (en anglais), une nouvelle ressource pédagogique a été mise en ligne au Royaume-Uni afin d’aider les enseignants et les élèves à mieux comprendre ces attentats (voir http://since911.com/schools). Financé par un petit organisme de bienfaisance londonien, ce projet était sous la direction du University College London (UCL) affilié à l’Institute of Education. Avant sa diffusion numérique, la recherche avait été menée en 2010-2011 dans huit écoles secondaires de grande taille (élèves de 11 à 18 ans) en Angleterre. Voici quelques résultats de recherche provenant de 13 entrevues de groupe avec 65 élèves âgés de 13 à 15 ans.
Les données de ces entrevues ont été analysées en deux volets : le premier consistait à découvrir la présence de modèles dans les connaissances de base des élèves sur le 11-Septembre (le moment, le lieu, les protagonistes et les raisons des attentats); le second volet visait l’analyse des réponses en lien avec trois dimensions de la pensée historique. Pour le second volet, j’ai adapté l’article de Stéphane Lévesque (« ‘Bin Laden is responsible; it was shown on tape’: Canadian High School Students’ Historical Understanding of Terrorism », Theory & Research in Social Education, 31:2, 174-202) utilisant trois dimensions : reconnaissance/similitude et différences de perspectives; les causes et les conséquences; la preuve/le caractère provisoire. Je traiterai ici des connaissances factuelles des élèves. Une analyse complète de la recherche sera publiée sous peu.
Les connaissances factuelles en lien avec la journée des attentats étaient étonnamment bonnes du fait que les élèves ne les avaient pas nécessairement acquises à l’école et qu’ils n’avaient que quatre ans au moment des évènements. Ils savaient que cet évènement s’était produit aux États-Unis, qu’il était lié aux tours jumelles de New York. Devant choisir parmi des dates et le nombre de victimes, ils ont généralement fait les bons choix. Le terme terroriste a été utilisé dans la plupart des entrevues de groupes sans incitation et un petit nombre d’élèves ont démontré une étonnante connaissance contextuelle des faits entourant l’évènement, par exemple en faisant des comparaisons avec l’IRA ou la politique étrangère américaine d’une administration précédente.
Cependant, des discussions sur les causes du 11-Septembre ont exposé des lacunes plus sérieuses dans trois catégories : les protagonistes, la géographie et la chronologie. Les élèves savaient à peu près tous qui était George Bush, mais ils étaient moins bien renseignés sur Osama ben Laden et Saddam Hussein. Par contre, peu d’entre eux auraient pu dire si Al Qaeda était une personne ou un groupe. En matière de géographie, les élèves avaient de la difficulté à distinguer l’Iraq et l’Afghanistan et ils décrivaient le Moyen-Orient comme une seule entité où se trouvaient de vastes réserves de pétrole (que seuls les É.-U. semblaient convoiter). Par exemple, Sarah était particulièrement confuse, suggérant que les « guerres au Vietnam ou au Pakistan » étaient la cause du 11-Septembre. La plus grande lacune se trouvait cependant en matière de chronologie. Très fréquemment, les élèves croyaient que le 11-Septembre était une réponse aux guerres en Iraq et en Afghanistan, ce qui alimentait la méprise que le 11-Septembre était un acte de pure vengeance.
Les élèves avaient des idées préconçues auxquelles ils tenaient obstinément, malgré le fait qu’elles étaient basées sur des sources peu convaincantes. Parmi ces préconceptions se retrouvait un préjugé antiaméricain, dont la force était surprenante : George Bush avait souvent le rôle du méchant, et le sentiment que le 11-Septembre était (parfois exclusivement) la faute des États-Unis était répandu. Par exemple, Michael a affirmé que « les États-Unis sont reconnus pour attendre quelqu’un sur qui pointer le pistolet pour ensuite trouver une raison de tirer ». Certains élèves étaient tombés sur des théories du complot concernant l’implication des É.-U. dans les attentats, ce qui alimentait encore plus cet antiaméricanisme.
La religion a aussi été reconnue comme une cause importante du 11-Septembre, mais avec un sentiment de confusion et de perplexité. Certains élèves affirmaient que le terrorisme était toujours motivé par la religion alors que d’autres suggéraient que la religion était une façade cachant d’autres motifs plus politiques.
L’idée ici n’est pas que les lacunes des élèves étaient choquantes : pourquoi devrait-on s’attendre à ce qu’ils connaissent bien quelque chose qu’ils n’ont jamais appris à l’école? En fait, je constate qu’ils savaient – ou pensaient savoir – beaucoup de choses sur le contexte général et les causes du 11-Septembre à cause de leur accès à internet et à d’autres médias. Il est donc beaucoup plus probable qu’ils arriveront en classe avec des idées préconçues qui pourraient bloquer une ouverture d’esprit sur les notions de contexte, de causalité et de perspective. Nous soutenons qu’un enseignement efficace doit s’intéresser à ces idées préconçues afin de rendre possible des analyses plus sophistiquées du 11-Septembre, de ses causes et de ses conséquences.
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