RELATIONS ENTRE LE CADRE NORMATIF ET LES DIMENSIONS TÉLEOLOGIQUE, EPISTEMOLOGIQUE ET PRAXEOLOGIQUE DES PRATIQUES D'ENSEIGNANTS D'HISTOIRE ET EDUCATION A LA CITOYENNETE : ou une méthodologie pour évaluer un enseignant d'histoire.
25 November 2012 - 7:29pm
Quelques concepts :
Téléologie : Le curriculum caché de l’enseignant / l’objectif de l’enseignant
Épistémologie :
- Comment l’enseignant voit l’enseignement
- Comment l’enseignant voit les apprentissages des élèves
- Comment l’enseignant voit l’histoire et la nature qu’il donne aux savoirs historiques
Praxéologie : Les actions de l’enseignant (La pratique)
Enseigner quoi ? Enseigner l’histoire !
Qu’est-ce que l’histoire et à quoi sert l’enseignement de l’histoire ? Dès notre premier cours de didactique, notre professeur confrontait nos « pré »conceptions sur ce qu’est l’histoire.
En 2009 ma réponse fut tout simplement : «L’Histoire me permet de savoir qui je suis et de comprendre le monde contemporain dans lequel je vis.», mais depuis ma « conscience historique » s’est transformée et elle a évolué. Aujourd’hui, je pense que l’histoire est une construction humaine qui reflète nos préoccupations actuelles et que dans aucun cas, elle représente la vérité. Je pense aussi que l’histoire est insaisissable et perdu à tout jamais. Je pourrais aussi dire que l’ensemble de ma formation historienne et didactique m’a permis de développer une pensée critique à l’égard du récit officiel et des récits non-officiels. Finalement, l’histoire me permet de comprendre le présent. À cet égard, lorsque je présente ma vision de l’histoire à mes élèves, je cite systématiquement Pierre Bonnechere, professeur à l’Université de Montréal : « S’il existe une vérité, ce serait le point de vue de Dieu, conscient du pourquoi et du comment de toute chose » (Bonnechere 2008).
Il semblerait que cette posture épistémologique soit minoritaire, car comme Stéphanie Demers l’explique, 18 des 26 répondants « se sont avérés avoir un profil de croyances épistémologiques plutôt typique (c’est-à-dire objectiviste) » (Demers 2011). Donc 69% des enseignants verraient l’histoire comme un récit unique et véridique.
Les conséquences
Dans cette perspective, les dimensions téléologique, épistémologique et praxéologique de l’enseignant pourraient avoir d’importantes conséquences sur l’identité des adolescents. Par exemple, voici deux cas.
Le cas de d’Éric :
« Le but d’apprendre l’histoire, c’est de comprendre sa société pour y participer, pour voter, signer des pétitions […] puisque pour agir en citoyen, il faut être bien informé, il faut connaitre son histoire. Les gens qui connaissent bien leur histoire, ils ne votent pas comme ceux qui ne la connaissent pas… plus tu connais ton histoire du Québec, plus tu es souverainiste. Je le dis aux élèves, ça. » (Demers 2011).
Et celui de Luc :
« Je dis aux élèves que je suis souverainiste, que plus tu connais l’histoire, plus c’est sûr que tu vois que la meilleure solution c’est la séparation du Québec… pour sauver le français, pour affronter le vieillissement de la population, pour le développement de notre économie et de nos ressources naturelles […] » (Demers 2011).
Alors il faut se poser la question suivante : quel est l’objectif de ces enseignants d’histoire? Pour Éric et pour Luc, il est celui de développer l’identité nationale, mais à l’aide de la perspective et du récit souverainiste. À ce constat, il serait important de mentionner qu’il existe probablement aussi la même pratique au Québec comme dans les autres provinces canadiennes, mais cette fois à des fins fédéralistes. D’ailleurs pour certains, comme par exemple Granatstein, cette approche serait celle à adopter pour créer un vrai sentiment d’appartenance à la nation (dans son cas : canadienne) (Granatstein 1998). Dans cette perspective, Laville avait bien raison de craindre le développement de la conscience historique en classe d’histoire, car l’élève reprendra tout simplement le récit de son enseignant sans jamais le critiquer ni le remettre en question (Laville 2003). Et pour ceux qui oseront, ils se feront « corriger » par l’enseignant à l’aide du récit « officiel ».
L’ultime conséquence pour l’identité de ces jeunes est la suivante : le récit d’Éric et de Luc aide les élèves à déterminer les caractéristiques d’ « un bon » québécois et comment « un bon » québécois devrait penser, mais surtout voter. Il veut en faire des citoyens, mais il oublie la plus importante des dimensions : celle de les outiller à être des citoyens critiques.
Et puis ?
Tout ceci m’amène à un sujet tabou : un sujet qui vous fera probablement froncer les sourcils. Celui de l’évaluation des enseignants. La méthodologie proposée par Stéphanie Demers ne pourrait-elle pas être réutilisée par les Commissions Scolaires et les conseillers pédagogiques pour évaluer objectivement la pratique des enseignants d’histoire ? Et à partir de cette évaluation, serait-il possible de réaligner le profil de certains enseignants, comme ceux de Luc et d’Éric, vers une pratique plus axées sur les objectifs du programme de formation de l'école québécoise ?
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