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Patrimoine architectural : Préserver quoi et pourquoi?

Posted by Bruno-Pierre Gu...
22 January 2013 - 11:09am

Partie I : William Morris et les origines de la conservation du patrimoine architectural
Partie II : Le patrimoine industriel et populaire
Partie III: L’exemple de Griffintown

Mon article précédent se terminait ainsi : « Nous accordons un certain souci pour les constructions datant d’avant la Première Guerre mondiale et les bâtiments ayant un certain prestige, qui ont tous appartenu à l’élite économique et politique de l’époque, mais faisons-nous preuve de la même sensibilité pour le patrimoine industriel et les lieux de sociabilité et d’habitation des milieux populaires? »

Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil au programme de géographie du premier cycle du MELS. Lorsque nous regardons les repères culturels proposés, très vite nous constatons un parti pris évident pour les sites des classes dominantes: ceux des rois  (La Cité interdite), de l’Église (Vatican, Notre-Dame-De-Paris) ou de la bourgeoisie (Château Frontenac, Tour Eiffel). La seule exception au tableau est la mention de l’œuvre du photographe Robert Doisneau. Ce dernier a immortalisé sur pellicule le Paris populaire d’après-guerre.

Le ministère ne s’en cache pas, il a dressé sa liste en fonction des priorités déterminées par le Centre du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Selon cet organisme, le patrimoine culturel (monuments, ensembles, sites) qui vaut la peine d’être préservé doit impérativement être d’« une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l'histoire, de l'art ou de la science ». Selon cette définition, nous allons toujours privilégier la préservation de l’Arc de triomphe, plutôt qu’une guinguette typique. Mais miser presque exclusivement sur les bâtiments majestueux, ne renvoie-t-il pas un reflet biaisé du passé ? Sont-ils véritablement représentatifs d’une époque ? Autrement dit,  est-ce que le Stade olympique permet de mieux comprendre les années 70 au Québec, qu’une banlieue de Brossard ou un centre d’achat ?

Les repères culturels proposés par le MELS n’abordent pas le cadre de vie des milieux populaires, c’est-à-dire la vaste majorité des personnes. L’élève va ressortir inévitablement avec une vision étroite du passé. Imaginez un petit garçon ou une petite fille qui déclare vouloir vivre au Moyen âge, mais qui base son affirmation uniquement sur des histoires de princesses et de preux chevaliers…

En privilégiant ce qui n’a qu’une « valeur universelle exceptionnelle », nous ne retenons que l’histoire des élites, et du même coup, nous marginalisons l’histoire de la majorité. Heureusement, pour pallier à cette carence programmatique, plusieurs initiatives existent pour aider l’enseignant à diversifier son échantillon de repères culturels. En voici quelques-unes :

1) Héritage Montréal dresse annuellement une liste d’établissements menacés de destruction. L’essentiel de cette liste se réfère à des bâtiments qui témoignent des conditions de vie des milieux populaires  (Théâtre Empress, Les Bains Publics, Maisons “Bonheur d’Occasion”).

2) L’Autre Montréal offre de nombreuses visites guidées des quartiers populaires montréalais. Leurs présentations sont toujours très intéressantes et n’hésitent pas à mêler histoire, architecture et politique.

3) Association pour la protection du patrimoine industriel offre une mine d’information pour quiconque s’intéresse à la question.

4) Ghost signs : des spectres du passé : Cela vous attriste de voir les vieilles publicités dépérir sous vos yeux ? C’est le sujet du livre de Réjane Bougé Sur les murs d'un Montréal qui s'efface.

5) Écomusée du fier monde : Le musée est en soi un exemple de conservation du patrimoine populaire, installé dans un ancien bain public, le musée offre une intéressante exposition permanente sur la révolution industrielle et les conditions de vie des travailleurs, ainsi que des expositions temporaires sur divers sujets portant sur la culture populaire.

En somme, comme le pensait Williams Morris, l’ensemble des périodes historiques doit être préservées, cela transcende l’idée de simplement préserver un vieux bâtiment, mais relève, de ce que Pierre Nora appelait, les lieux de mémoire.