Les nouvelles guerres de l’histoire scolaire
15 Avril 2013 - 12:05pm
Au cours de la semaine du 7 avril dernier, Johan Samuelsson et Martin Stolare, deux didacticiens de l’Université de Karlstad (Suède), ont présenté à notre communauté universitaire un compte rendu du dernier épisode de la guerre de l’histoire scolaire qui secoue le pays de Kurt Wallander. Le propos tenu par les deux universitaires scandinaves est d’une pertinence remarquable puisqu’il fait écho au débat lancé récemment par ceux qui ont sommé la ministre de l’Éducation du Québec de remettre un récit national au cœur du programme d’histoire. La situation en Suède rappelle aussi l’affrontement qui se dessine au Royaume-Uni à la suite du dépôt, par le gouvernement britannique, d’un projet de refonte du curriculum qui, sur le fond, ferait bien l’affaire de l’aile droite du Parti québécois.
La reprise des hostilités entre les partisans d’un enseignement axé sur la construction d’une conscience identitaire nationale et les défenseurs d’une approche centrée sur le développement d’une pensée critique et rigoureuse met en lumière la faiblesse stratégique de ces derniers. Au Québec, le débat qui a pris la forme d’escarmouches médiatiques entre les deux antagonistes. La réaction du public montre clairement que, dans l’ensemble, les citoyens adhèrent à une conception de la discipline historique qui les pousse naturellement dans le camp de ceux qui souhaitent faire triompher l’enseignement d’un récit national unique. En effet, aux yeux de la majorité des gens, mais aussi d’un grand nombre d’enseignants, un récit historique est un calque du passé. Dans cette perspective, l’enseignement de la discipline se résume à la transmission d’un récit consensuel considéré comme avéré. L’idée que l’histoire possède une dimension interprétative fondamentale n’est comprise que par une petite minorité.
À l’évidence, les programmes d’histoire visant à promouvoir la pensée critique et la rigueur intellectuelle sont l’œuvre d’universitaires et de dirigeants politiques qui n’ont pas convaincu les citoyens de la pertinence de leur point de vue. La menace qui pèse sur la pérennité des programmes axés sur l’apprentissage de pensée historienne ne pourra être conjurée que si les didacticiens et d’autres investissent le champ médiatique de manière à faire comprendre au citoyen ordinaire que le récit historique relève de l’interprétation des traces du passé et que l’apprentissage de la discipline suppose une démarche à la fois plus complexe et plus utile que la simple mémorisation d’un récit unique et fermé.
Michel P. Trudeau
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