Les manuels scolaires, porteurs du projet intellectuel en pédagogie de l’histoire (Katalin Morgan)
Je me sens un peu extraterrestre de partager ma recherche sur cette plateforme alors que je n’ai jamais mis les pieds au Canada. Mais, d’une certaine façon, je ressens l’enthousiasme de ce milieu de recherche dynamique, avide de découvertes sur l’histoire, son enseignement et son apprentissage. Tout cela est contagieux; voilà pourquoi je suis ici.
Bien que ma recherche concerne les manuels d’histoire en Afrique du Sud, mon cheminement s’étend à travers l’Europe et sur plusieurs domaines autres que l’histoire et la pédagogie. C’est assez tardivement que je me suis intéressée à l’histoire. Lors d’un long séjour à New York en 2004, j’en suis venue à me demander comment un lieu aussi imposant pouvait avoir été créé de rien. Ma fascination pour l’histoire venait de commencer. En plus de cela, et parce que j’ai passé une partie de mon enfance en Allemagne, j’ai toujours été très intéressée par l’histoire de l’Holocauste. En 2007, j’ai donc sauté sur l’occasion lorsqu’on m’a offert de donner un cours en ligne intitulé « The Holocaust and Human Behaviour » et diffusé par Facing History and Ourselves. Destiné aux enseignants et offert à l’échelle internationale, ce cours s’avéra un tournant décisif. J’enseignais à cette époque les sciences sociales et l’histoire aux élèves du secondaire et j’ai compris que ce sujet avait le pouvoir d’expliquer comment les germes de préjudices et de stéréotypes pouvaient éventuellement engendrer une indicible cruauté à grande échelle. J’ai également constaté les parallèles entre l’Holocauste et la discrimination raciale qui existait sous le régime de l’apartheid et dont l’héritage pèse encore aujourd’hui en Afrique du Sud. Mais j’étais moins intéressée par les nombreuses politiques de transformation que je ne l’étais à creuser les savoirs théoriques et disciplinaires concernant l’histoire et les outils pédagogiques.
Comme j’avais acquis de l’expérience dans l’édition scolaire et dans les ressources pédagogiques numériques et multimédias, je cherchais pour mon doctorat un thème qui combinerait en quelque sorte l’ensemble de ces intérêts et expériences. La réponse me sautait aux yeux : le thème de « l’impact des théories raciales du 19e siècle menant au génocide » fait partie des manuels de 11e année. J’ai donc décidé d’analyser ce thème dans les dix titres officiellement approuvés (en Afrique du Sud, les écoles publiques doivent choisir leurs manuels à partir d’une liste). J’avais aussi l’intention de faire un suivi dans le cadre d’une recherche en classe, mais les données ont rapidement pris une telle ampleur que cette étape devra attendre les études postdoctorales. Pour compenser les limites de ce champ de recherche, j’ai soutenu que les manuels scolaires avaient une importance propre. En effet, ils symbolisent les artefacts d’un héritage socioculturel encodé en mots et en images puisqu’ils enregistrent la position épistémologique d’un système d’éducation dans une période donnée, incluant la mentalité prévalente. Je voulais découvrir comment les textes peuvent construire ou encoder cette mentalité et comment les stratégies des auteurs peuvent être reconnues ou décodées.
Essentiellement, la recherche tentait de répondre à deux questions : Comment une approche interdisciplinaire d’analyse textuelle peut-elle être utilisée pour construire un modèle d’une telle analyse? Comment un tel modèle peut-il démontrer sa capacité d’analyser un thème unique dans une série de manuels? Dans cette optique, j’ai conçu cinq catégories ou dimensions d’analyse, soit s’approprier le savoir historique, apprendre l’empathie, définir une communauté textuelle, façonner des histoires et orienter le lecteur.
Les découvertes issues de la mise en œuvre du modèle analytique indiquaient que seulement quelques manuels scolaires étaient des outils efficaces de réalisation du projet intellectuel en pédagogie de l’histoire. Ceci amenait la question suivante : Qu’est-ce que les manuels les moins efficaces arrivaient plutôt à faire? Entre autres, la perpétuation manifeste des stéréotypes dans le solide positionnement d’une communauté textuelle envers un type particulier d’éducation à la citoyenneté plutôt qu’envers la pratique de l’histoire comme un processus de découverte. J’en ai conclu que les auteurs de manuels ont plusieurs choix quant à la façon de traiter le projet intellectuel en pédagogie de l’histoire et que, même s’ils travaillent tous à l’intérieur des mêmes limites, leurs solutions pour atteindre les objectifs pédagogiques diffèrent de façon remarquable.
En ce moment, je rédige des articles tirés de ma recherche de doctorat, dont quelques-uns sont déjà publiés. Par la suite, j’aimerais faire des recherches et concevoir d’autres outils pédagogiques destinés à l’enseignement de l’histoire, améliorer mes connaissances sur la façon de rendre l’apprentissage de l’histoire ludique et intéressant, et découvrir comment exploiter la puissance de la technologie à ces fins.
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