Les impératifs pédagogiques des institutions patrimoniales culturelles : ou comment j’ai appris à aimer les souliers rubis de Dorothée (Brenda Trofanenko)
Mon retour au Canada comme titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’éducation, la culture et la communauté à la Acadia University me donne l’occasion de poursuivre des recherches entreprises au Canada il y a plus de dix ans. Au cours de la dernière décennie, mes recherches ont surtout porté sur le rôle éducatif des institutions patrimoniales culturelles, en particulier celui des musées publics et des archives. Bien que j’aborde une nouvelle « étape » de ma carrière universitaire, mon intérêt dans les musées et les archives demeure présent et constitue toujours la base de mon programme de recherche.
Ma vision des institutions patrimoniales culturelles comme sites éducatifs est presque accidentelle. Au cours de mes études doctorales à UBC, j’étais membre d’une équipe de recherche de la University of Washington qui évaluait les programmes d’enseignement destinés aux établissements financés par le gouvernement. On m’avait alors suggéré d’évaluer les programmes muséaux, mais j’hésitais. Ce n’est que lorsque j’ai visité le Glenbow Museum avec ma mère que mon intérêt pour le rôle social des musées s’est concrétisé. Ma mère avait reconnu dans une exposition un journal intime (par la suite identifié comme appartenant à sa propre mère). Elle avait été troublée par l’exposition publique d’un écrit ayant appartenu à la sphère privée. L’extrait de ce journal intime s’intégrait dans le récit de l’histoire de l’Ouest canadien. Quant à moi, cette situation illustrait une tension par rapport aux musées et à la façon dont la connaissance disciplinaire est définie par les expositions. Peu après cette expérience, j’ai réalisé la force et l’inviolabilité de la place des musées dans la société. Chaque musée contribue à définir une connaissance disciplinaire ainsi que ses limites; chacun fait évoluer un impératif pédagogique particulier; chacun reçoit une affirmation publique de son objectif social (et pédagogique). Cependant, cette expérience a aussi attiré mon attention sur la façon dont un musée demeure une institution cherchant à prouver sa pertinence pour le public qu’il dit représenter.
Bien sûr, les musées d’histoire publique vont continuer à présenter des expositions sur les évènements du passé. Cependant, plusieurs se tournent maintenant vers des expositions portant sur des expériences éprouvantes. Je m’intéresse à la façon dont de telles expositions présentent les évènements traumatiques et comment les musées sont devenus des espaces émotifs en plus d’être des espaces pédagogiques. Cette avenue de recherche me pousse à revoir la théorie acquise au doctorat et pour laquelle j’avais reçu le soutien de professeurs à UBC, dont Derek Gregory (géographie), Michael Ames (anthropologie) et Mark Phillips (histoire). Je m’intéresse aussi à la façon dont les concepts comme la race, la culture et les nations sont présentés dans les espaces publics et aux liens émotifs de différents groupes avec de tels concepts.
La technologie appliquée aux sciences humaines et la façon dont la mission des musées publics est touchée par ces tendances constituent pour moi un nouveau champ d’intérêt. Cet intérêt a pris forme à la University of Illinois Urbana Champaign où j’avais reçu une bourse de la National Center for Supercomputing Applications alors que je travaillais pour le College of Education. Les musées tentent d’adopter la technologie, mais ils doivent aussi comprendre l’importance que prendront ces technologies au cours des cinq prochaines années. The Horizon Report est un document qui identifie le besoin d’étudier comment le média enrichi s’applique aux collections et comment les musées numérisent le contenu, utilisent les réseaux sociaux et repensent leur rôle d’éducateur par l’utilisation du contenu libre. J’ai récemment commencé à comprendre la façon dont les communautés (ou constituants) utilisent les technologies numériques comme outils pédagogiques dans les musées publics. Je cherche à approfondir ma compréhension des sciences humaines numérisées grâce, en grande partie, au fait que je participe régulièrement aux Technology and Humanities Camps organisés par le Center for History and New Media à la George Mason University.
Bien que je réside maintenant au Canada, mes recherches incluent plusieurs musées américains comme sites de recherche. En particulier, je continue de travailler à un projet de recherche au National Museum of American History, où j’étudie le rôle du musée et la façon de transmettre la perception du passé entre les différentes générations. Comme je m’y rends régulièrement, j’en profite aussi pour admirer les souliers rubis du Magicien d’Oz qui y sont exposés afin de comprendre leur popularité. Je dois l’admettre… ils sont magnifiques!
En ce moment, mes activités incluent la rédaction de divers documents pour publication, la planification d’un atelier qui regroupera plusieurs chercheurs pour discuter des espaces émotifs d’apprentissage, la préparation de plusieurs communications pour des conférences au Canada, aux États-Unis et en Europe ainsi que la rédaction de demandes de subvention.
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