Skip to Content

Le projet « Toll of War »: à l’intersection de la mémoire et de l'histoire

Posted by Katherine Ireland
7 Avril 2016 - 9:37pm

Le projet <<Toll of War>>, qui bénéficia en 2015 d’une subvention fédérale de $488,155, est le fruit d’une collaboration entre le Gregg Centre for the Study of War and Society, situé à l’Universite du Nouveau-Brunswick, et la Saint John River Society. Ce projet veut profiter de l'attention portée par le public et les médias envers le centenaire de la Première Guerre mondiale et le 75e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale. Il vise à accroitre la compréhension des Canadiens vis-à-vis la participation du Canada à ces deux conflits.

Le projet se décline en deux volets, dont le premier est la création de bannières commémorant les récipiendaires de la Croix Victoria. Ceux-ci ont été choisis  pour représenter chacune des provinces et pour souligner la majorité des efforts de guerre ayant eu lieu à l’extérieur du Canada entre 1914 et 1945. La seconde partie du projet consiste à développer du matériel éducatif qui se base sur le vécu des récipiendaires de la Croix Victoria. Ce vécu sert de points de départ pour permettre aux étudiants et aux enseignants de mieux comprendre l’histoire canadienne.

À son départ, le projet a provoqué une controverse qui portait principalement sur la question suivante : une organisation académique telle le Gregg Centre devrait-elle s’impliquer dans des activités commémoratives, plutôt que purement disciplinaires? À ce sujet, l’historien de l’UNB Nicholas Tracy a décrit le projet comme une forme de propagande dans une entrevue avec la CBC. Il mentionna qu’il n’aimait pas voir l’histoire militaire du Canada réduite à l’étude de quelques héros (http://www.cbc.ca/news/canada/new-brunswick/unb-s-toll-of-war-project-is-propaganda-historian-says-1.2940076).

Moi non plus, Dr. Tracy.

Comme éducatrice en sciences humaines, je critique les cérémonies du Jour du Souvenir où les étudiants sont encouragés à ressentir plutôt qu'à penser; celles où ils se voient lire des passages de livres d’images relatant des champs de coquelicots et; celles où les élèves apprennent à colorier des images plutôt que d'apprendre à se souvenir de quelque chose de signifiant, qui les aidera à comprendre le monde les entourant et leur permettant d'avoir un rôle actif dans leurs communautés.

Montrer aux élèves des images iconiques sans en expliquer le contexte ne les renseigne en rien sur la gravité de la guerre et de ces conséquences. Heureusement pour nous et les enseignants avec lesquels nous travaillons, le matériel éducatif développé par le projet <<Toll of War>> ne ressemble en rien à ce genre d'activité.

Le matériel éducatif intitulé The War and the Canadian Experience est présentement en développement. Il se trouve sur le site web du Gregg Centre’s Teachers’ Network: http://www.warandthecanadianexperience.com/for-educators.html. Celui-ci consiste en une série de modules composés d’activités d’enquête permettant aux étudiants de découvrir le contexte dans lequel évoluaient les récipiendaires de la Croix Victoria; la campagne de Normandie, Passschendaele et la crête de Vimy en sont des exemples. Notre intention en développant ce matériel était d’éviter l’amas de contenu malheureusement si courant dans le matériel pédagogique habituellement proposé aux enseignants. Les sections de notre matériel pédagogique ciblent les concepts de la pensée historique. Les activités que doivent réaliser les étudiants sont basées sur les questions et les débats soulevés par les recherches académiques concernant ces sujets.

S’engager dans ce type de travail éducatif n’est pas exempt de controverse. Cependant, l’utilisation d’activités commémoratives comme point de départ pour étudier les conflits à l’aide de la pensée historique n’est ni propagandiste ni hagiographique. Nous ne devrions pas éviter l’utilisation de contenu familier lié, par exemple, à l'histoire militaire. Nous devrions plutôt présenter ce contenu comme une porte d’entrée qui vise à encourager l’étudiant à fouiller plus profondément ce qui peut sembler familier à première vue.

Les enseignants ayant peu de connaissances en histoire militaire se tournent souvent vers les ressources éducatives développées par des groupes tels que la Vimy Ridge Foundation dont le mandat est commémoratif et non uniquement historique. Plutôt que de nier la légitimité de ce genre d'initiative commémorative, nous pouvons les utiliser pour introduire des questions critiques à l’étude de la guerre.

J’espère que les étudiants et les enseignants qui utilisent les ressources éducatives développées par le projet <<Toll of War>> pourront aller au-delà du langage romancé et de l’imagerie héroïque afin de considérer les questions qui influenceront leurs vies civiques :

·        Quand un objectif militaire devrait-il supplanter un objectif humanitaire?

·        Qu’est-ce qui représente un sacrifice trop important pour être justifiable?

·        Quelle influence le public devrait-il posséder par rapport aux décisions gouvernementales?

·        Comment pouvons-nous comprendre les attitudes et les perceptions de ceux qui sont si différents de nous? Pourquoi est-ce important?

L’étude de la guerre est complexe. Enseigner son importance sans pour autant glorifier les gestes militaires est un exercice délicat. Cependant, nous devons étudier les guerres afin de comprendre le monde qui en a résulté. Les étudiants doivent examiner le contexte sociopolitique des guerres, leurs causes et conséquences et aussi, explorer des questions éthiquement difficiles afin de naviguer dans un monde dont ils sont les héritiers.

Comme éducateurs, nous devons braver la critique afin de permettre la réalisation de ces objectifs et explorer ce qui est vraiment significatif dans nos salles de classe.