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Le choc de la réalité scolaire

Posted by Marie-Hélène Brunet
18 February 2014 - 1:53pm

Dernièrement, dans le cadre d'un cours que je donne à de futurs enseignants au secondaire, les étudiants m'ont posé énormément de questions sur la "réalité scolaire". 

"Qu'est-ce qui nous attend pour vrai?". "Comme jeunes enseignants, sommes-nous acceptés par nos collègues?". "Quelle pression exercent-ils sur nos méthodes pédagogiques?". "Quelles sont les réelles contraintes dans la réalité de tous les jours à l'école?". "Est-il vrai qu'il est impossible d'appliquer ce qu'on apprend à l'Université?".

De nombreuses questions, toutes pertinentes, mais surtout, comme on m'a dit, souvent "tabous" chez les universitaires. En effet, il existe peu de références sur ce qu'on pourrait appeler la "culture scolaire". Pourtant, il est essentiel de tenter de comprendre pourquoi certaines approches pédagogiques innovantes sont souvent délaissées en début de carrière par les enseignants. 

Pour l'enseignement de l'histoire, nous avons trouvé une référence intéressante, celle de Bouhon (2010) traitant des différences entre l'idéal didactique des futurs enseignants en histoire et les choix pédagogiques réels qu'ils font une fois sur le terrain.

Bouhon présente trois types didactiques: l'exposé-récit que l'on pourrait rapprocher de l'exposé traditionnel et magistral en histoire; le discours-découverte, qui combine l'enseignement magistral et le dialogue ou certaines tâches minimales reliées à la pensée historique et finalement l'apprentissage-recherche, qui lui, rejoint une approche pédagogique prônant des tâches complexes reliées à la pensée historique en classe d'histoire.

Sur le tableau de droite, on peut voir les résultats de Bouhon quand à la distance entre "l'idéal" et "la réalité". En d'autres mots, les jeunes enseignants ont déclaré (l'auteur utilise le concept de représentation sociale pour classer les enseignants) un certain idéal pédagogique, mais dans la réalité, ne l'applique pas à son plein potentiel. Il faut surtout comparer la case "centrale" qui identifie les approches principales utilisées par les enseignants. On voit que la tâche complexe ainsi que le débat et la confrontation, pourtant présents dans toutes les cases de l'idéal" disparaissent (sauf pour la tâche complexe en apprentissage-recherche) dans la réalité.

Comment expliquer cela? Il y a évidemment les contraintes scolaires. Les enseignants disent ne pas être en mesure d'appliquer leur idéal dans le contexte scolaire à cause, entre autres:  

  • "de la composition des classes
  • des attentes des élèves
  • de l’organisation du temps scolaire en périodes de cours
  • du découpage des savoirs en objets isolés
  • des modes d’évaluation qui exigent le prélèvement régulier de notes (…) (Bouhon, 2010, p. 55).
Bouhon conclut sur les contraintes en parlant d'un "faisceau de contraintes qui obligeraient les enseignants à préférer des situations d’enseignement plus centrées sur les savoirs à faire passer que sur la façon dont les élèves peuvent se les approprier" (Bouhon (2010, p. 55).
 
Et il renchérit en indiquant que ces contraintes amène les enseignants à "s"accomod[er] de la participation des élèves, de réponses brèves qui s’intègrent rapidement au discours préconçu de l’enseignant" et de privilégier "un enseignement prisonnier de la forme scolaire" (Bouhon, 2010, p. 54-55).
 
Plus de questions que de réponses me viennent à l'esprit suite à la lecture de ce texte. Comment préparer nos étudiants à affronter la réalité scolaire, comment les outiller afin qu'ils ne perdent pas leur idéal? Est-ce possible? Ces contraintes sont-elles tellement importantes qu'on ne peut les éviter? Est-il possible d'innover à l'école, dans la culture scolaire actuelle? J'attends vos pistes de réponses!

 

Référence: Bouhon, M. (2010). Quelles stratégies d’enseignement en classe d’histoire ? Les représentations des enseignants d’histoire  du secondaire dans le contexte actuel  des réformes pédagogiques. Dans Jean-François Cardin et al., Histoire, musées et éducation à la citoyenneté (Québec, Multimondes, 2010):29-55

Commentaires

Nous partageons les mêmes lectures!

Très bon billet. C'est important de réfléchir sur les enjeux relatifs à l'insertion professionnelle et « choc » lorsqu'on entre dans la profession. Permets-moi, Marie-Hélène, de mettre un lien vers un article de mon blogue où j'ai déjà publié un billet semblable au tien sur le même article de Bouhon. Peut-être pouvons-nous, à deux, nourrir davantage la réflexion.