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La pensée historique et ses liens avec la pensée critique

Posted by Geneviève Goulet
13 January 2014 - 11:28am

Les auteurs qui ont tenté de définir la pensée historique ont établi des relations entre cette dernière et la pensée critique. Nous retrouvons ces liens avec la pensée critique (critical thinking) sous diverses appellations : esprit critique (Martineau, 1999), dimension éthique (Seixas et Peck, 2004), critique des usages culturels et médiatiques de l’histoire (Heimberg, 2002), analyse de sources primaires (Wineburg, 2001), etc. Or, quelle est la nature véritable des relations entre la pensée historique et la pensée critique? Lefrançois et Demers (2009) nous indiquent que la pensée critique peut servir de support à l’exercice d’une pensée historique, en autant qu’on y mette «l’accent sur le développement des habiletés intellectuelles et critiques comme finalités de l’apprentissage de l’histoire.» D’autres plutôt, comme Seixas et Peck (2004), mettent le relief sur ce qui distingue la pensée historique (propre à la discipline de l’histoire) de la pensée critique (générique et transdisciplinaire). Pour les citer :

 

«Thinking in social studies is too often defined in terms of generic critical thinking or information processing approaches. Following that line of reasoning leaves only the facts about the past as anything specifically historical. The argument here is that historical thinking involves certain distinct problems that cannot be collapsed into a more generic critical thinking.» (p. 116).

 

Comme la définit Gagnon (2011), la pensée critique est une pratique évaluative fondée sur une démarche réflexive, autocritique et autocorrectrice. Celle-ci implique donc la mobilisation et la combinaison efficaces de différentes ressources dans le but de déterminer ce qu’il y a lieu de croire ou de faire, le tout, en considérant attentivement les critères de choix et les diversités contextuelles. Partant de là, il est possible d’établir plusieurs relations entre la pensée historique et la pensée critique. En voici un bref aperçu. D’abord, des composantes distinctes et spécifiques sont associées aux deux types de pensée. Faire preuve de pensée historique et critique consiste également à mettre en œuvre des processus, processus s’articulant autour de différents verbes d’action. Ainsi, les concepts de la pensée historique de Seixas et Morton (2013) s’établissent autour de verbes d’action, par exemple, établir la pertinence historique ou identifier la continuité et le changement. Quant à elle, la pensée critique s’articule aussi autour de verbes d’actions tels qu’établir des critères, contextualiser ou s’autocritiquer. Bref, une similitude entre la pensée historique et la pensée critique existe dans l’utilisation réciproque de verbes d’actions semblables. De nombreux autres exemples de liens entre la pensée historique et la pensée critique pourraient être apportés.

 

Au Québec, dans son programme de formation de l’école québécoise (PFEQ), le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS, 2004), range le jugement critique dans la catégorie des compétences transversales. Le MELS appuie de ce fait le développement de la pensée critique. Cela implique que tous les enseignants doivent veiller à ce développement, dont forcément ceux qui enseignent en univers social le cours Histoire et éducation à la citoyenneté (HÉC). Le sens critique est aussi inclus dans l’énumération des compétences propres au programme d’univers social. Ainsi, selon la compétence 1 : Interroger les réalités sociales dans une perspective historique, «la perspective historique [...] se traduit par un état d’esprit qui permet aux élèves d’être sensibles aux réalités sociales tout en adoptant une distance critique à leur égard.» (MELS, 2007, p. 11). Le développement de la pensée historique étant l’une des préoccupations du cours d’histoire et d’éducation à la citoyenneté, il apparaît évident d’établir des liens directs entre les différentes compétences en histoire et la pensée critique.

 

Références:

Gagnon, M. (2011). Vers une heuristique des relations systémiques entre pensée historique et pensée critique. Dans Marc-André Éthier, David Lefrançois et Jean-François Cardin (dir.) Enseigner et apprendre l’histoire : manuels, enseignants et élèves (p. 429-456). Québec : Les presses de l’Université Laval.

 

Heimberg, C. (2002). L’histoire à l’école : Modes de pensée et regard sur le monde. Issy-les Moulineaux : ESF éditeur.

 

Lefrançois, D. & Demers, S. (2009). Recoupements et disjonctions entre le Programme de formation à l'école québécoise, domaine de l'histoire et de l'éducation à la citoyenneté (HEC) au secondaire, et les Benchmarks of Historical Thinking (BHT), Repères de la pensée historique. Vancouver : Centre for the Study of Historical Counsciousness.

 

Martineau, R. (1999). L'histoire à l'école, matière à penser. Paris : L'Harmattan.

 

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2004). Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement secondaire, 1er cycle. Québec : Gouvernement du Québec.

 

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2007). Programme de formation de l’école québécoise du domaine de l’univers social : Histoire et éducation à la citoyenneté. Québec : Gouvernement du Québec.

 

Seixas, P., & Morton, T. (2013). Les six concepts de la pensée historique. Montréal : Modulo.

 

Seixas, P., & Peck, C. (2004). Teaching historical thinking. Dans A. Sears & I. Wright (Eds.), Challenges and Prospects for Canadian Social Studies (p. 109-117). Vancouver: Pacific Educational Press.

 

Wineburg, S. (2001). Historical Thinking and Other Unnatural Acts. Philadelphie: Temple University Press.