La pensée historique et l’analyse de sources primaires
25 February 2014 - 12:45pm
Au Québec, le MELS (2007) indique que l’utilisation de documents comme les sources primaires occupe une place centrale dans le cours d’Histoire et éducation à la citoyenneté. Par contre, le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) fait référence de façon plutôt vague à la nature des sources et des documents (Lefrançois et Demers, 2009). Cela nous semble être une lacune de la part du PFEQ puisque l’analyse de sources primaires fait partie de toutes les définitions de la pensée historique que ce soit celles de Martineau (1999), Wineburg (2001), Idrissi (2005), Heimberg (2011) ou Seixas et Morton (2013). Dans ce texte, nous verrons que l’analyse de sources permet la construction du récit historique et que, selon plusieurs études, il existe diverses méthodes pédagogiques pour permettre aux élèves d’analyser les sources en classe d’histoire tant au primaire qu’au secondaire.
Idrissi (2005) pose la question suivante : «Pourquoi l’histoire recourt-il à des documents ? Les documents représentent le pôle objectif de l’histoire. Ils sont le seul contact avec l’objet passé en tant que traces présentes des activités passées.» (p. 85). Par conséquent, le document devient une source d’information et un élément de preuve pour les historiens. Selon J.-F. Lévesque (2011), puisque l’utilisation des sources primaires est au centre de la pensée historique, il faut que l’enseignant soit en mesure de placer l’élève dans une situation authentique d’analyse historique. Il doit non seulement comparer différentes visions, comme l’historien, mais aussi les percevoir dans des sources primaires. Cet aspect représente bien le deuxième concept de la pensée historique établit par Seixas (2006), soit « les sources », concept aussi nommé « les preuves historiques ». Ce concept indique que l’on doit recourir aux traces découlant des sources primaires pour bâtir des connaissances sur le passé. Seixas suggère ainsi à l’élève une démarche lui permettant de trouver, sélectionner, interpréter et contextualiser des sources primaires. Aussi, une grande partie de la réflexion de Wineburg (2001) portant sur la pensée historique s’articule autour de l’analyse et la critique de sources primaires soit : l’heuristique de la source (sourcing), l’heuristique de la corroboration (corroborating), l’heuristique de la contextualisation (contextualizing) et la lecture en profondeur (close reading). Ces quatre éléments permettent la construction d’un récit historique par les élèves.
La capacité des élèves à travailler avec les éléments de preuve ne vient pas naturellement. Cette faculté se développerait davantage sous les effets d’un enseignement explicite.
Posons-nous la question suivante : comment Seixas et Peck (2004) en sont-ils arrivés à identifier et à définir clairement le concept de preuves historiques (Epistemology and evidence)? Nous constatons que Seixas et Peck (2004) se sont basés sur les recherches de Barton (1997), Foster et Yeager (1999), Lee et Ashby (1993), VanSledright (2002), Wineburg (2001) sur l'utilisation des preuves historique par les élèves. Toujours selon Seixas et Peck (2004), il semble que l’ensemble de ces recherches a donné des résultats assez cohérents. Ces recherches prouvent que l'affirmation selon laquelle les jeunes enfants sont incapables de travailler avec des preuves historiques et d'interpréter une image du passé semble être fausse. Néanmoins, la capacité des élèves à travailler avec les éléments de preuve ne vient pas naturellement. Cette faculté se développerait davantage sous les effets d’un enseignement explicite. Les travaux de Barton (1997) et de Foster et Yeager (1999), cités dans Seixas et Peck (2004), indiquent également que les élèves sont davantage aptes à travailler avec des preuves historiques oralement que de fournir des comptes rendus écrits. Cet aspect qui consiste à recourir à l’oral comme méthode d’expression pourrait être pris en considération par les enseignants lorsqu’ils font analyser des sources primaires à leurs élèves en classe d’histoire.
Références :
Heimberg, C. (2011). L'enseignement de l'histoire dans un pays d'immigration: la Suisse. Dans Ramón López Facal & al. (Eds). Pensar históricamente en tiempos de globalización. Actas del I congreso international sobre enseñanza de la historia (30 juin-2 juillet 2010), Saint-Jacques-de-Compostelles : Publications de l'Université, 21-35.
Idrissi Hassani, M. (2005). Pensée historienne et apprentissage de l’histoire. Paris : l’Harmattan.
Lefrançois, D. & Demers, S. (2009). Recoupements et disjonctions entre le Programme de formation à l'école québécoise, domaine de l'histoire et de l'éducation à la citoyenneté (HEC) au secondaire, et les Benchmarks of Historical Thinking (BHT), Repères de la pensée historique. Vancouver : Centre for the Study of Historical Counsciousness.
Lévesque, J.-F. (2011). L’usage des sources primaires dans les manuels du secondaire en histoire et éducation à la citoyenneté au Québec. (Mémoire de maîtrise inédit). Université de Montréal, Montréal, QC.
Martineau, R. (1999). L'histoire à l'école, matière à penser. Paris : L'Harmattan.
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2007). Programme de formation de l’école québécoise du domaine de l’univers social : Histoire et éducation à la citoyenneté. Québec : Gouvernement du Québec.
Seixas, P., & Morton, T. (2013). The Big Six. Toronto : Nelson Education.
Seixas, P., & Peck, C. (2004). Teaching historical thinking. Dans A. Sears & I. Wright (Eds.), Challenges and Prospects for Canadian Social Studies (p. 109-117). Vancouver: Pacific Educational Press.
Seixas, P. (2006). Benchmarks of Historical Thinking : A Framework for Assessment in Canada. Centre for the Study of Historical Consciousness, University of British Columbia.
Wineburg, S. (2001). Historical Thinking and Other Unnatural Acts. Philadelphie: Temple University Press.
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