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La justice ou l’équité?

Posted by Chantal Rivard
27 Mars 2013 - 11:04am

Tout a commencé avec l’affaire Guy Turcotte. Ébranlés par le crime, mais surtout par le verdict qu’ils ne comprenaient pas, mes élèves en adaptation scolaire cherchaient des réponses là où sur les réseaux sociaux ils ne trouvaient souvent que des commentaires qui exaltaient la vengeance. Pour eux, un rendez-vous avec la justice venait d’être manqué.  Le système pénal canadien avait échoué dans sa mission. « Mais quelle mission, car si le système n’a pas répondu à vos attentes, quelles sont vos attentes? Vous voulez de la justice ou de l’équité »?

La question a suscité tout un débat dans la classe.  Les concepts de justice et d’équité étaient loin d’être bien définis. Mais ce n’était pas une simple question de sémantique, car une fois que nous nous étions entendus sur une définition commune de ces concepts, les élèves débattaient toujours.  Ils ne s’entendaient pas quant à savoir lequel des concepts devait dominer l’autre ou même si un devait dominer l’autre.

 « Et dans notre système de justice Madame, lequel domine?

-Lequel voudriez-vous voir dominer?

-La justice, me répond cet adolescent avec cet aplomb de la jeunesse qui ne supporte pas l’injustice.

-Donc, les mêmes peines, pour les mêmes crimes, peu importe le contexte »?

Il y eut, à ce moment, un silence dans la salle de classe. Les élèves ne savaient pas, ou devrais-je plutôt écrire ne savaient plus.

Même mise en contexte et même question en classe de didactique de l’histoire à l’université pour de futurs enseignants au primaire ou au secondaire en univers social. Même consternation, même doute, même débat.  C’est dire que la justice et l’équité nous font nous questionner. Notre système de justice criminelle repose sur des principes qui remontent à la Magna Carta. Il a évolué et continue d’être modulé par les époques qui se succèdent. Et cette évolution émane d’un cheminement social collectif.  Et nous devons permettre à nos élèves de pouvoir participer au débat sur la justice et l’équité et donc sur la Justice avec un grand J. Mais comment initier un tel questionnement?

Éducaloi est une ASBL dont l’un des objectifs est d’éduquer et d’initier à la culture juridique du Québec. Cet organisme croit qu’une « culture juridique de base devrait faire partie du coffre à outils des élèves lorsqu’ils terminent leurs études secondaires » (Éducaloi, 2013). Cet organisme offre donc des ressources permettant aux enseignants du troisième cycle du primaire et des trois cycles du secondaire d’intégrer du contenu juridique dans leur cours.  Une des activités qu’il propose est une simulation de procès pour vol, La justice, ce n’est pas comme dans les films! Bâtie pour s’arrimer au cours d’Éthique et de culture religieuse, cette activité peut être modifiée et adaptée facilement aux réalités sociales des programmes d’univers social du primaire et du secondaire du PFÉQ. C’est d’ailleurs à ces modifications que doivent réfléchir mes étudiants universitaires après avoir assisté à la simulation.  Si, par cette activité, leurs futurs élèves sont invités à découvrir les différents acteurs du système judiciaire québécois, les grandes étapes d’un procès ainsi que certaines notions de base du droit criminel, mes étudiants doivent penser à modifier cette dernière pour que la réflexion porte sur l’évolution du droit criminel au Canada et en Occident et sur ce que la justice implique, soit la notion même de justice à laquelle vient se juxtaposer la notion d’équité qui semble très souvent venir teinter les verdicts actuels.

Pour avoir initié cette réflexion à deux reprises lors de la dernière année, je constate à quel point celle-ci est appréciée de mes étudiants universitaires. Ils réalisent que la Justice se conçoit à partir d’interprétations de lois qui se modulent avec la société, avec l’époque, avec le crime commis.  Rien de tout cela n’est ni tout noir ni de tout blanc.  La simulation permet de mieux saisir le système de justice criminelle actuel et donc de se questionner sur son évolution en faisant des parallèles avec les systèmes de justice passés.  On peut alors penser à l’étude de Berti, Baldin et Toneatti (2009) sur la compréhension des élèves de l’utilisation de l’ordalie au Moyen Âge. En liant la justice à une époque, à une société, et donc à ses croyances, à ces valeurs, les élèves, par l’empathie historique (j’y reviens toujours) arriveront à mieux débattre des notions de droit, de justice et d’équité. Et peut-être, à la fin, pourront-ils fournir des arguments solides pour défendre leur position sur des verdicts controversés et admettre que la justice est un reflet de ce que nous sommes.  Ils devront alors plancher sur ce qu’ils souhaitent voir devenir la justice dans un avenir plus ou moins rapproché.

 

Notice bibliographique

Berti, A., Baldin, I., et Toneatti, L. (2009). Empathye in History. Understanding a Past  Institution (Ordeal) in Children and Young Adults when Description and Rationale are Provided. Contempory Educational Psychology, 34, 278-288.

Éducaloi, www.educaloi.qc.ca