Histoire des femmes, problématisation et histoire nationale
25 November 2013 - 10:39am
Le Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport invite les personnes intéressées à donner leur avis par rapport au document de consultation Pour le renforcement de l'histoire nationale au primaire et au secondaire. La période pour réagir est somme toute plutôt courte, puisque le document a été publié à la mi-novembre et on invite les gens à réagir avant le 13 décembre.
Je vous laisse vous-même lire la consultation et vous faire votre propre avis. De mon côté, pour alimenter votre réflexion, je vous invite à lire un article que j'ai publié récemment concernant la place des femmes dans le programme actuel. Cet article, intitulé Une histoire sans les femmes est une histoire désengagée, se trouve sur le site de la revue en ligne Histoire engagée qui reçoit toujours par ailleurs des articles pour le numéro spécial sur l'enseignement de l'histoire.
À l'intérieur du document de consultation, les auteurs semblent sensibles à la question de l'intégration des femmes. On peut y lire à quelques reprises, que le programme devrait inclure le "fil conducteur des rapports sociaux de sexe" (p. 15, 17). Toutefois, les orientations générales du document ne laisse pas présager une intégration réelle des questions sur le genre en histoire. En effet, les auteurs sont en désaccord avec la problématisation partant du présent, or c'est justement cette problématisation qui permettrait selon nous d'éviter les pièges d'une narration unique, d'une "trame nationale" qui se voudrait soi-disant rassembleuse. Les tentatives multiples d'arriver à une trame narrative unique en enseignement de l'histoire ne peuvent que laisser tomber des pans entiers de l'histoire, le plus souvent d'ailleurs, ce genre d'exercice se fait au détriment de la place des femmes dans l'histoire. Impossible d'en arriver à une trame narrative consensuelle - il faut se le dire - puisque cela va à l'encontre même de la discipline historique, toujours traversée par des courants multiples et contradictoires.
Le document de consultation ne fait pas référence à la progression des apprentissages, publiée en 2011, qui offrait déjà un cadre narratif (et normatif) proposant une suite d'événements bien précis à mémoriser par les élèves. Comme démontré dans l'article cité précedemment, la progression des apprentissages fait une bien maigre place aux femmes, qui s'y retrouvent dans moins de 5% des éléments, et d'une manière bien orientée. Il reste à voir en quoi la consultation actuelle pourrait mener à un résultat différent.
Personnellement, j'en doute. Je crois que l'intégration des questions reliées au genre passe surtout par la problématisation, en partant de la réalité des élèves ou d'une question historique controversée. Des exemples intéressants se trouvent dans un blogue précédent ainsi que dans la SAÉ produite par ma collègue Chantal Rivard sur l'avortement. J'ai bien l'intention d'ailleurs, de publier d'autres articles de blogue vous donnant des pistes d'intégration du genre en classe d'histoire, c'est à suivre!
Et vous, qu'en pensez-vous? Ajouter des femmes à la trame nationale sans inciter à une réelle problématisation de l'histoire peut-elle selon vous permettre aux élèves de réfléchir aux questions de genre?
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