Entre simulation et réalité historique : petite critique didactique d’Assassin’s Creed III.
16 November 2012 - 10:16am
Assassin’s Creed III est le dernier opus du jeu de rôle historique concocté par Ubisoft Montréal et qui est sorti le 30 octobre 2012. Vous jouez le rôle de Connor, fils d’un Britannique en quête d’aventures dans les colonies anglaises et d’une Mohawk. Le but du jeu est d’éliminer une société secrète, appelée les Templiers, par plusieurs moyens dont les missions d’assassinats qui ont rendu le jeu célèbre.
Au-delà, de ce contexte fictif, le contexte historique est bel et bien présent : l’action se déroule dans un monde ouvert entre 1750 et 1783 durant la Révolution américaine. Vous pouvez circuler librement dans le Boston, New York, Lexington, Concord et tous les environs de l’époque, reproduits fidèlement dans de nombreux détails. Vous rencontrez de nombreux édifices reconstitutés dont des églises, des marchés, des ports, des lieux de rencontres ayant chacun un descriptif textuel lorsque vous passez à proximité. Ce sont aussi des personnages avec qui vous pouvez intéragir : Benjamin Franklin, Samuel Adams, Général Braddock, John Pitcairn, pour n’en nommer que certains.
Si on passe outre la qualité du gameplay et de l’histoire fictive, il est clair que l’on se sent immergé dans le contexte historique de l’époque. Peu importe où vous vous trouvez, une base de données se complète au fur et à mesure que vous évoluez dans le jeu avec des détails sur des évènements (Guerre de sept ans, Stamp Act, etc.), des biographies de personnages historiques, mais aussi des aspects culturels (mode de vie des Mohawks, vie à Boston à l’époque, etc.). Ceci dit, il est très facile de jouer au jeu sans même lire cette base de données qui fait pourtant l’effort de rendre la simulation plus crédible et vraiment ancrée dans un contexte historique. Un travail d’analyse de textes serait donc difficile à instiguer puisque c’est un élément périphérique du jeu.
Toutefois, le jeu vous fait vivre des moments historiques, que même si vous ne lisez pas la base de données, vous vous retrouvez au milieu du Massacre de Boston, du Boston Tea Party, de la défense de Concord ou de la bataille de Bunker Hill. Par contre, dû à un scénario fictif, plusieurs personnages ou actions sont relativement détournés pour mieux servir les rebondissements du jeu et vous laisse croire que cela aurait pu réellement se passer ainsi. Et le nœud du problème est ici, entre fiction et réalité, la limite est très mince et plusieurs aller-retour sont exécutés sans qu’on s’en rende vraiment compte et encore moins si on ne connaît pas ces détails historiques ou si on ne lit pas la base de données… Ceci dit, Ubisoft ne prétend pas à une simulation historique totalement réaliste et ce qui est d’ailleurs intéressant est qu’au début du jeu (ce qui était aussi présent dans les versions précédentes) un avertissement nous fait remarquer que l’équipe qui a travaillé sur le jeu est multiethnique et multiconfessionnelle et ne prétend pas à servir une interprétation historique quelconque.
Ceci est tout à fait louable, mais n’a pas empêché quelque censure de la part d’Ubisoft pour ménager le public étatsunien : une bande-annonce diffère selon qu’on se retrouve aux États-Unis ou en Europe. La raison est que le clip complet montre des séquences du gameplay avec des scènes d’action où des Loyalistes se font tuer par le héros du jeu, mais aussi des Patriotes. Aux États-Unis, la scène de l’assassinat des Patriotes à été censuré pour ne pas abîmer la sensibilité patriotique de certaines personnes. Or, tous les colons américains de l’époque n’étaient pas pour la Révolution et il est vraiment curieux d’essayer de ménager cette réalité historique en coupant quelques secondes d’un clip vidéo, sans compter que le but du jeu n’est pas de jouer un Loyalistes et encore moins un Patriote…
Pour terminer, je voudrais simplement mentionner quelques critiques concernant la potentielle intégration d’un tel jeu en classe d’histoire. Premièrement, la quête principale se joue seul et consume de nombreuses heures de jeu. Dans un contexte de classe, je vois mal l’utilité d’une telle intégration. Deuxièmement, de nombreuses séquences vidéos dans le jeu dépeignent des réalités historiques qu’il serait pertinent d’analyser, mais toutes ne sont pas disponibles sur youtube et ne se débloquent dans le jeu qu’à des moments précis. Troisièmement, les textes présents dans la base de données sont très abordables, de courts textes ciblant des éléments précis du contexte historique et sur un ton plus ou moins familier (c’est en fait votre compagnon d’armes qui vous donne des détails historiques et vous fait des blagues en passant). Même si ces textes seraient faciles à utiliser, la question matérielle reste le principal obstacle : comment accéder à cette base sans avoir trente copies du jeu et trente plateformes pouvant le jouer. Donc d’un point de vue didactique et pragmatique, la seule raison à intégrer un tel jeu est l’avertissement en début de jeu mentionné plus haut et le débat soulevé par la censure d’une bande-annonce et son impact sur les usages publics de l’histoire. Le lien est très facile à faire sur des questions de mémoire collective et donc de développer la conscience historique des élèves avec un déclencheur récent et sûrement connu des élèves…
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