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Enseigner la pensée narrative

Posted by Stéphane Lévesque
24 February 2014 - 8:14am

«Tout a réellement débuté par une défaite… » Voilà une formule lapidaire qui rend compte de nombreuses phrases employées par des milliers de jeunes pour décrire l’expérience historique du Québec tirées de la vaste enquête de Jocelyn Létourneau publiée cette semaine dans l’ouvrage Je me souviens ? Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse (Fides, 2014).

Depuis plus d’une décennie, Létourneau s’intéresse au rapport qu’entretiennent les jeunes avec le passé collectif de manière à sonder leur conscience historique. Allant au-delà des simples sondages relevant de graves « trous de mémoire » factuels, l’enquête se préoccupe plutôt de leur mise en récit du passé québécois. Les résultats de l’étude sont tout aussi fascinants que déconcertants pour les éducateurs.

D’abord, les jeunes ne sont pas aussi historiquement amnésiques qu’on pourrait le croire. Si plusieurs ont de grandes lacunes quant au contenu factuel [...], leur vision du passé est loin d’être pauvre et incohérente. Elle s’appuie sur une trame narrative tournant autour d’épisodes significatifs, qui mettent en scène des personnages historiques marquants et s’articulent autour de noeuds d’intrigue souvent politiques qui font évoluer le récit du passé vers le présent et l’avenir possible. Au nombre de ces épisodes on retrouve « Jacques Cartier et la colonisation », les « filles du roi », et bien entendu la « Conquête » de 1759 qui se classe en tête de liste. [...]

Partout au Québec, les jeunes d’héritage canadien-français adoptent d’emblée un récit de « la survivance » d’un petit peuple francophone d’Amérique abandonné par la mère patrie et victime des autres (les Anglais) et d’un destin manqué, celui d’un peuple non souverain et indépendant qui se cherche toujours. [...]

 

Pourquoi la « survivance » ?

À titre de professeur, cette vision de l’histoire du Québec est déconcertante. Car les programmes scolaires et les volumes qui les accompagnent ont depuis longtemps abandonné le récit de la survivance pour se consacrer au développement de compétences historiques et citoyennes. L’accent n’est plus sur la transmission du grand récit clérico-national à la Lionel Groulx, mais bien sur la résolution de situations-problèmes et d’analyse de sources documentaires.

Comment se fait-il alors que de Gatineau à Saguenay en passant par Québec et Trois-Rivières les jeunes francophones du Québec racontent encore une histoire d’une autre époque ?

 

Pour en savoir davantage, consulter l'article publié dans le journal Le Devoir (24 février 2014).

 

Stéphane Lévesque
Université d'Ottawa
suivez moi sur Twitter @s_lvesque

Commentaires

Décalage entre le curriculum officiel et le curriculum effectif

Il y a un certain décalage entre le curriculum officiel et le curriculum effectif. Les débats actuels le sous-entendent alors que des recherches menées au Québec le démontrent. Cela peut expliquer en partie les résultats de M. Létourneau relativement à l’importance de la narration. Maintenant, à savoir pourquoi c’est la trame del la « survivance » qui persiste plutôt qu’une autre, bonne question. Chose certaine, si les élèves ne sont pas plus nuancés, c’est qu’ils n’ont pas encore développé ou intégré la pensée historique et ses rouages.