Enseignante et étudiante à la maitrise : des rôles complémentaires et parfois irréconciliables
16 Mars 2015 - 4:02pm
Du début du mois de septembre à la semaine dernière, j’ai contribué à organiser un colloque à l’Université de Montréal. Ce colloque, le Colloque éducatif présent!, est organisé depuis plus de sept ans par des étudiants pour offrir des occasions aux étudiants des cycles supérieurs de diffuser leur recherche et de prendre de l’expérience comme communicateurs. Le thème de cette année était Visions sur l’éducation : partage et intégration. Bien que le colloque s’intéresse à toutes les recherches faites en sciences de l’éducation, le thème de cette année me paraissait pouvoir être relié facilement à de nombreux questionnements en rapport avec l’enseignement de l’histoire. L’enseignement de l’histoire implique des considérations épistémologiques, idéologiques et politiques qui influencent considérablement les contenus à enseigner, les moyens de les enseigner et la façon de penser les pratiques enseignantes. Les débats publics reviennent constamment à l’ordre du jour, sont parfois virulents, et surtout, ils ont un impact sur les décisions politiques qui modèlent et remodèlent, à tort ou à raison, les pratiques enseignantes et sur les réflexions faites par les enseignants sur leur propre pratique.
Une des activités du colloque, une table ronde, m’a poussée à m’interroger davantage. Cette table ronde, dont le thème spécifique était Orgueil et préjugés : transfert et utilisation de la recherche en éducation, m’a plongée dans une réflexion sur mon double rôle d’utilisatrice et de productrice de la recherche. Le fait de cumuler ces deux rôles permet des éléments de complémentarité qui enrichissent mutuellement leur pratique respective. Être à la fois enseignante et étudiante à la maitrise apporte un éclairage différent à la réflexion que tout enseignant poursuit sur les pratiques enseignantes; j’analyse donc ma propre pratique, mais aussi celle des autres, et j’en tire des conclusions que je teste, sur lesquelles je réfléchis et ainsi de suite. Le double rôle me mène également à être plus terre-à-terre comme étudiante-chercheure, à centrer mes questionnements sur des éléments concrets, à tenir compte des contraintes contextuelles qui influencent les pratiques enseignantes. Un but commun de l’enseignant d’histoire et de l’étudiant-chercheur s’intéressant à l’enseignement de l’histoire pourrait être de développer un regard plus critique sur les discours concernant l’éducation, la discipline historique et l’enseignement de l’histoire.
D’autres éléments semblent irréconciliables. La dualité des rôles oblige à jongler avec les poids variables selon les circonstances des savoirs liés à l’expérience et des savoirs liés à la recherche. Sur le terrain, devant une classe d’élèves, les savoirs pratiques qui découlent de l’expérience (la sienne où celle des collègues) prennent le devant de la scène. Il est toutefois déplorable de devoir faire face au mépris d’enseignants qui ne considèrent pas autre chose que ce savoir pratique. Dans la recherche, les savoirs théoriques et empiriques négligent parfois de considérer les contraintes contextuelles qui limitent la portée ou la réussite de certaines pratiques enseignantes. Il est tout aussi déplorable de devoir faire face au désintérêt de chercheurs qui ne tiennent pas compte de la réalité du terrain et des expériences d’enseignement. Il y a moyen de réconcilier les deux rôles. Par contre, cela demande un travail considérable.
Tous ces différents éléments sont des constats qui ne sont pas particulièrement originaux. D’ailleurs, ils auraient pu être faits par des gens qui n’ont pas le double rôle d’enseignant et d’étudiant-chercheur. Par contre, ils fondent beaucoup de mes questionnements sur la façon de m’identifier à chacun des rôles et m’interpellent à propos de l’enseignement de l’histoire spécifiquement.
Pourquoi l’image que le public se fait de l’histoire est-elle autant en contradiction avec les nouvelles approches d’enseignement préconisées par l’enseignement? Qu’est-ce que l’éducation à la citoyenneté et pourquoi lui reproche-t-on d’instrumentaliser l’enseignement de l’histoire? Pourquoi le manque de temps est-il si rapporté par les enseignants d’histoire? Pourquoi les débats sur les contenus des cours sont-ils constamment relancés? Quel est le rôle de l’enseignement de l’histoire? Quel est le rôle de l’enseignement de l’histoire par rapport à la reproduction sociale? Quel est le rôle de l’enseignement de l’histoire par rapport à la mémoire collective? Quelle est la place de la nation dans l’enseignement de l’histoire? Comment évaluer ce que le programme demande d’évaluer? Qu’est-il réellement nécessaire et important d’évaluer? Tant mon expérience d’enseignante que celle d’étudiante-chercheure m’ont fourni des pistes de réponses. Peut-être pourrez-vous m’en fournir également…
Site web à consulter : www.colloqueeducatifpresent.com
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