Des recherches, oui, mais pour quoi faire ? Une « recherche-action-formation » avec des enseignants de terrain (Jean-François Cardin)
Depuis quelques années, je suis entré dans une phase très active de ma carrière au plan de la recherche. Je mène de front présentement trois projets de recherche qui me demandent un temps fou, mais tout en m’apportant beaucoup de satisfaction. Cela est d’autant plus vrai que de nombreux résultats de ces recherches sont ou seront réinvestis dans mon enseignement auprès des futurs enseignants d’histoire, à la formation desquels je participe de près et qui constituent toujours la pierre angulaire de mon travail.
Avec d’autres chercheurs, dont certains sont bien connus à THEN-HiER (comme Marc-André Éthier, David Lefrançois ou Marie-Claude Larouche), je m’intéresse depuis plusieurs années aux liens entre l’éducation à la citoyenneté et l’enseignement de l’histoire. Pour coordonner et soutenir cette recherche, nous avons fondé avec d’autres collègues de plusieurs universités québécoises le Groupe de recherche sur l’éducation à la citoyenneté et l’enseignement de l’histoire (GRECEH). Aussi, avec des collègues du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), je cherche à comprendre comment la récente réforme des programmes au Québec a affecté la pratique et la vie professionnelle des enseignants, notamment dans le domaine de l’histoire. Mais dans le cadre de cette chronique, je m’attarderai plus spécifiquement au plus récent de mes projets de recherche, qui porte sur l’apprentissage des concepts.
En effet, en collaboration avec des conseillers pédagogiques de la région de Québec, j’ai obtenu cet automne une subvention du ministère québécois de l’Éducation concernant l’enseignement et l’apprentissage des concepts. En effet, les concepts, que l’on pense par exemple à « démocratie » ou encore à « révolution industrielle », sont au coeur des nouveaux programmes en univers social (histoire, géographie, éducation à la citoyenneté) au secondaire. Depuis le primaire jusqu’à la fin du secondaire, ils ont été déterminés selon une progression logique et sont des éléments fédérateurs de tous les programmes en univers social. Toutefois, tous reconnaissent que leur apprentissage n’est pas aisé.
Ce projet, que dans notre jargon d’universitaires nous appelons une « recherche-action-formation », vise à appuyer une équipe de conseillers pédagogiques dans la mise en place de stratégies d’accompagnement et de formations destinées aux enseignants. Dans un premier temps, le projet se centrera sur le programme Histoire et éducation à la citoyenneté (HÉC) au 2e cycle du secondaire, mais à terme l’expertise qui sera générée s’étendra à l’ensemble des cours de l’univers social au secondaire. L’équipe de conseillers pédagogique travaillait déjà depuis quelques années autour de la problématique de l’enseignement des concepts, notamment par la création de tâches modèles d’enseignement-apprentissage destinées à soutenir les enseignants en classe. À l’hiver 2011, je me suis joint à cette équipe.
Le problème à la base de cette recherche découle du fait que, dans leur travail d’accompagnement, les conseillers pédagogiques constatent que les enseignants ne saisissent pas toujours la progression et le rôle des concepts dans les programmes et qu’ils se sentent mal outillés pour en favoriser un apprentissage approfondi. Trois objectifs sont donc ici visés : 1) favoriser l’appropriation par les enseignants des concepts et de leur fonction dans la formation des élèves; 2) à cette fin, valider les tâches existantes et en créer de nouvelles, ainsi que le matériel nécessaire pour les enseignants et les élèves; 3) concevoir et réaliser des formations auprès des enseignants sur les fondements théoriques et pratiques de l’apprentissage des concepts en HÉC. Avec l’appui d’un étudiant des cycles supérieurs qui agira comme assistant de recherche, ce partenariat permettra de revoir les tâches déjà créées par les conseillers pédagogiques, de les valider (notamment au plan de leur adéquation avec les visées de formation des programmes), d’en créer d’autres et, surtout, de former et d’outiller les enseignants à l’égard de l’enseignement-apprentissage des concepts dans le cadre d’une démarche individuelle et collective de développement professionnel.
Je suis particulièrement fier de cette dimension de partenariat avec les enseignants et le milieu scolaire. Ne nous le cachons pas, nous avons souvent tendance, comme didacticiens universitaires, à rester dans nos tours d’ivoire et désirer que les enseignants adoptent nos manières de voir et de concevoir l’enseignement de l’histoire, mais sans mettre nous-mêmes la main à la pâte. Ce projet sera l’occasion pour moi d’apprendre avec des enseignants, en tenant compte de leurs contraintes et en me situant à leur bout de la lorgnette !
- Se connecter ou créer un compte pour soumettre des commentaires
- English