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Concours blogue : Ce qui sous-tend aux débats sur l’enseignement de l’histoire au Québec

Posted by frédéric yelle
14 Avril 2014 - 9:17am

1.Introduction

La consultation sur l’enseignement de l’histoire ayant eu cours de novembre 2013 à février 2014 aura sans doute été un exercice en pratique futile, puisqu’il y a fort à parier que le nouveau gouvernement déchiquètera le rapport produit (en totalité ou en partie) dans les prochaines semaines. Cependant, cette consultation fut en quelque sorte la manifestation d’un vif débat qui perdure depuis la réforme des programmes d’éducation du Québec en 2006.

2. Nationalisme et épistémologie de l’histoire

La consultation a porté sur trois principaux axes. D’une part, on accusait le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) actuel de dénationaliser l’histoire québécoise au profit d’une histoire postnationale réécrite (Lavallée, J., 2012). D’autre part, on le jugeait trop axé sur l’acquisition de compétences au détriment de l’acquisition d’une base de connaissances factuelles nécessaire (Lavallée, J., 2012). Finalement on estimait l’éducation à la citoyenneté comme instrumentalisée à des fins de civisme (Beauchemin & Fahmy-Eid, 2013).

2.1 Enjeux implicitent

En ce qui concerne l’importance de la question nationale, certains voient dans le programme d’histoire actuel une dénationalisation de notre histoire qui serait une menace à l’identité. Notons que cette dénationalisation du programme est contestée par d’autres, dont Létourneau (2014) qui juge qu’elle a été gonflée par ses détracteurs. D’un côté, ceux qui critiquent le programme d’histoire (Bédard, 2014; Lavalée, 2012) prônent l’enseignement d’une trame nationale qui implique une vision de l’histoire comme le produit de l’historien, utile, en contexte scolaire, pour transmettre une mémoire collective. De l’autre côté, ceux qui défendent une histoire axée sur le développement et le transfert des compétences historiques dans l’activité citoyenne (Boutonnet, 2013; Éthier, 2013; Lefrançois, 2013; Yelle, Joly-Lavoie, & Poyet, 2013) proposent une posture plus interprétative.

2.2 Comment devrait-on enseigner l’histoire?

Ces deux conceptions épistémologiques de l’histoire proposent deux approches quant à son enseignement : i) une approche axée sur la mémorisation d’une mémoire collective prédéterminée, de l’ordre du produit historique et ii) une approche axée sur le processus de création de l’histoire, soit le développement de la pensée historique. Quelle vision de l’histoire scolaire serait dans ce cas la plus appropriée? Si l’on se base sur les finalités générales qu’établit le PFÉQ qui sont de « préparer les élèves à participer de façon responsable, en tant que citoyens, à la délibération, aux choix de société et au vivre-ensemble dans une société démocratique, pluraliste et ouverte […] » (Gouvernement du Québec, 2007, p.1), c’est la deuxième approche, plus près du développement des compétences, qui est prescrite comme adéquate. Notons qu’on trouve peu de gens pour s’en prendre à une finalité, bien que générale, aussi noble et ambitieuse. Ici encore, le litige survient quant aux moyens d’y parvenir.

La recherche empirique[1] atteste de l’efficacité d’un enseignement axé sur l’analyse de sources pour développer des outils intellectuels connexes à ceux dont usent les historiens. À l’opposé, des recherches, dont celle de Wertsch (2000), suggèrent plutôt que « d’imposer » une histoire officielle à l’école, principalement auprès des communautés culturelles issues de l’immigration, est inefficace. Si l’usage de la narration peut être intéressant, son enseignement à l’école ne garantit pas l’adhésion d’un groupe à la mémoire collective officielle (Wertsch, 2000).

3. Conclusion

Ce bref billet visait à explorer la question de l’histoire scolaire au Québec sous l’angle de la consultation. Pour prendre position, nous nous sommes basées sur les positions épistémologiques qui sous-tendent aux deux principaux pôles caractérisant le débat : l’histoire mémoire (liée au produit) et l’histoire interprétative (liée au processus). En nous basant sur certaines recherches en didactique, mais aussi en prenant en considération les objectifs sociétaux que prescrit le programme, nous croyons que c’est d’un enseignement-apprentissage centré sur la pensée historique dont a besoin l’école québécoise. En plus des débats politiques entourant cette question, notons que d’autres obstacles se dressent devant la généralisation d’un tel enseignement. En guise de piste de réflexion, soulignons que nous croyons que la recherche en éducation devrait se pencher davantage sur les questions relatives à la formation (des maitres et continue) et sur l’élaboration d’outils didactiques (l’ingénierie didactique) pouvant soutenir ces pratiques adéquates.

 

[1] Voir le document joint pour l’ensemble des références.

 

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