Comprendre et ressentir l’école par ses contours historiques : la pédagogie, les lieux et les espaces métis, et les futurs enseignants (Jonathan Anuik)
Le spirituel et les Métis forment un lien entre mes divers intérêts de recherche en histoire de l’éducation qui englobent les idées, les espaces et les lieux, et les enseignants. J’étudie les effets des idées, des lieux, des enseignants et du spirituel sur l’évolution des concepts de l’enfance et de la jeunesse métisses dans les écoles canadiennes.
À la maîtrise, la notion de civilisation me fascinait, en particulier la façon dont les idées avaient façonné l’enfance et la jeunesse de la colonie de la Rivière-rouge (aujourd’hui Winnipeg, Manitoba), au 19e siècle. L’étude des dossiers des missions anglicanes, catholiques et presbytériennes sur les familles de cette nouvelle plaque tournante commerciale et gouvernementale m’a permis de faire connaître la première méthode pédagogique occidentale des Territoires du Nord-Ouest : la civilisation. Pour faire partie de la civilisation ou devenir un citoyen du Canada à l’époque coloniale, il fallait se convertir au christianisme, pratiquer l’agriculture, savoir lire et compter et être un citoyen anglophone ou francophone. Mon mémoire de maîtrise, Forming Civilization at Red River: 19th-century Missionary Education of Métis and First Nations Children a été publié en 2006 dans Prairie Forum, puis inclus en 2008 dans l’ouvrage collectif, The Early Northwest, publié sous la direction de Gregory P. Marchildon qui a décrit l’essai comme « un très bel exemple de ce que peut offrir la nouvelle histoire sociale ».
À mon entrée au programme doctoral en histoire de la University of Saskatchewan (U of S) en 2003, j’avais l’intention de poursuivre mes recherches sur l’histoire de la civilisation et de sa marche vers les nouvelles écoles de l’Ouest aux 19e et 20e siècles. Puisque la colonie de la Rivière-rouge abritait un grand nombre de parents, de familles et de communautés métis, j’espérais y retracer l’influence de la civilisation sur l’éducation des Métis dans l’Ouest. Beverley Worsley, une grande amie et collègue de la Métis Nation of Saskatchewan, Eastern Region III, a cependant porté mon attention sur le rôle central qu’ont joué les lieux et les espaces dans l’éducation des Métis. Ma thèse s’est transformée en une enquête sur la pression exercée par les lieux et la foi catholique sur l’éducation des Métis dans les écoles modernes. Intitulée Métis Families and Schools: The Decline and Reclamation of Métis Identities in Saskatchewan, 1885-1980, ma thèse de doctorat traite des écoles, des lieux et de la foi par le biais des récits des parents, des familles et des communautés métis. En 2010, cette thèse a reçu le Prix des fondateurs de l’Association canadienne d’histoire de l’éducation, soit le prix commémoratif Cathy-James pour une thèse de doctorat consacrée à l’histoire de l’éducation au Canada, rédigée en français ou en anglais. Elle est en cours de publication par la Wilfrid Laurier University Press.
À U of S, j’ai été l’assistant de recherche de Marie Battiste, professeure micmaque d’éducation, et j’y ai dirigé une étude financée par le programme Nourishing the Learning Spirit du Conseil canadien sur l’apprentissage qui visait à comprendre la capacité inhérente des humains à apprendre. J’ai pris conscience du rôle central de la spiritualité dans l’apprentissage. Parallèlement, j’ai vécu le conflit engendré par le spirituel dans les écoles modernes où les enseignants ont tendance à projeter leurs espoirs et leurs manques sur les apprenants et à résister à toute discussion sur cette dimension. En conséquence, je réfléchis maintenant sur l’influence de cette dimension sur les idées, l’histoire, l’apprentissage autochtone et les politiques dans les écoles contemporaines au Canada. Aujourd’hui, je m’interroge sur le Cadre d’élaboration des politiques de l’Ontario en éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits du ministère de l’Éducation de l’Ontario et de son potentiel pour relier les politiques aux pratiques des enseignants par le spirituel. Je travaille avec ma collègue et amie Laura-Lee Bellehumeur-Kearns, professeure métisse d’éducation à la St. Francis Xavier University, sur la possibilité que ce document-cadre puisse aider les apprenants métis ainsi que leurs familles et leurs communautés à s’auto-identifier à l’école et ainsi faciliter l’actualisation des révisions apportées aux programmes d’études et aux pratiques d’enseignement.
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