Blogue d’un enseignant en histoire : cinquième cycle, 23 octobre au 4 novembre 2013
4 November 2013 - 8:56am
Le Régime français.
Pour le Régime français, j’ai découpé le contenu en deux périodes historiques en raison de l’angle d’entrée portant sur « Les conséquences des programmes de colonisation de la société et du territoire ».
La première période historique est la colonie comptoir qui s’étend de 1608 à 1663. La deuxième période historique est la colonie de peuplement qui commence en 1663 et qui se termine en 1760. Ainsi, tour à tour, je présente le programme de colonisation des compagnies et de l’État français (Gouvernement royal). Bien sûr, à travers les activités, j’incorpore le programme de colonisation de l’Église. Une fois les conséquences des programmes de colonisation terminées, les élèves aborderont le Régime français à l’aide des opérations intellectuelles de continuité et de changement, et ce, pour caractériser l’évolution de la Colonie française.
Malheureusement, ce fut un échec grandiose, parce que j’ai oublié un de mes principes de départ : même si certains concepts ont été vus au primaire et au premier cycle du secondaire, il est important de les expliquer de nouveau et de les travailler.
Les concepts de territoire et de société ont déjà été abordés au primaire et au secondaire. Je me disais que je n’avais pas besoin de m’attarder sur le sujet. Il y a aussi le concept de « colonisation » qui en deuxième secondaire est abordé à travers la colonisation du Congo par les Belges.
Lorsque les élève ont travaillé indépendamment l’expansion du territoire, l’occupation du territoire, l’organisation du territoire, la faible augmentation démographique, la forte augmentation démographique et les alliances avec les Amérindiens, ils ont bien réussi. Ils ont compris la conséquence de chaque programme de colonisation sur la société et le territoire. Confiant, j’ai passé à la prochaine étape, celle de vérifier la compréhension de mes élèves à l’aide du questionnaire en ligne sur Survey Monkey. Mais…
Voici une des questions de l’exercice: « Quelle est la conséquence territoriale du programme de colonisation du gouvernement royal ? »
11 sur 19 (58%) des élèves ont écrit une réponse se rapportant à la population, c’est-à-dire à la société.
Heureusement grâce au groupe Facebook, j’ai parlé à quelques élèves et une conversation s’est révélée très intéressante. Voici la conversation avec Paulette (nom fictif / les fautes n'ont pas été corrigées par soucis d'authenticité) :
Moi :
« Quand, je dis le mot territoire, ça te dis quoi? »
Paulette :
« se qu'on occupe comme place »
Moi :
« La société c'est quoi? »
Paulette :
« Nous »
Moi :
« Mais, en histoire, le concept de société te fait penser à quoi ? »
Paulette :
« a nous ? »
Moi :
« Que veux-tu dire par nous? »
Paulette :
« c'est nous, c'est le peuple, les habitants est-ce que tu comprends ? »
Moi :
« Oui. Quel est le lien entre conséquence territoriale et forte ou faible population? »
Paulette :
« le territoire apporte la population ? » (Ici l’élève considère que plus le territoire augmente, plus la population augmente)
Moi :
« Un territoire peut grandir ou peut devenir plus petit. Le territoire n'a pas rapport avec le fait que la population augmente ou diminue. Quand la population augmente/diminue c'est la société. Quand le territoire augmente/diminue c'est l’aspect territorial. Est-ce que ça fait du sens ce que je dis ? »
Paulette :
« Ok »
Moi :
« Si je te dis: Montréal / Trois-Rivières / Québec. C’est territoire ou société ? »
Paulette :
« Territoire »
Moi :
« Si je te dis: La Nouvelle-France prend de l'expansion jusqu'au Golfe du Mexique »
Paulette :
« Territoire + société »
Moi :
« Quel est l'aspect société dans la phrase? »
Paulette :
« Expension jusquen floride »
Moi :
« Qu'est-ce qui prend de l'expansion ? »
Paulette :
« Le territoire »
Moi :
« Le territoire de la Nouvelle-France. Donc ? »
Paulette :
« Donc quoi ? »
Moi :
« Est-ce qu'il est question de la société ? »
Paulette :
« Société + territoire » (À ce point, je ne comprenais pas encore le blocage de l’élève)
Moi :
« Si le territoire de la Nouvelle-France prend de l'expansion jusqu'au Golfe du Mexique, est-ce que la population ira habiter jusque là-bas ? Bonne question n'est-ce pas? »
Paulette :
« Oui mais je dirais que pas necessairement car le monde se disperce ? »
Moi :
« En fait non. Les explorateurs explorent (le feu est chaud) et prennent possession du territoire, mais y'a personne qui va habiter là-bas. Par exemple, les humains sont allés sur la lune, mais est-ce que quelqu'un habite sur la lune: non. Donc, les Français explorent, le territoire prend de l'expansion, mais personne n’y habite, sauf autour de Montréal, Québec et Trois-Rivières »
Paulette :
« Mais sa ne sera pas toujours sa ? » (BINGO !!!!)
Le problème est double. Dans un premier temps, l’élève conceptualise que si le territoire est grand, il y a automatiquement beaucoup de personnes qui l’occupent. Par contre, j’ai expliqué à plusieurs reprises que le territoire était vaste, mais peu occupé. J’ai aussi mentionné que le territoire occupé était celui de la Vallée du Saint-Laurent. Le deuxième problème en est un de conscience historique. L’élève mentionne que « Sa ne sera pas toujours sa ? » et fait ainsi un lien avec le présent. Ne prenant pas de distance avec son présent, elle a davantage de la difficulté à établir adéquatement la conséquence demandée.
En classe, j’ai été capable de rectifier le tir. Sans les exercices sur Monkey Survey, un intéressant outil de rétroaction, je n’aurais jamais pu intervenir auprès des élèves. Lors du minitest, 4 élèves sur 19 (21%) ont répondu inadéquatement à la question « Quelle est la conséquence territoriale des programme de colonisation du gouvernement royal ? ». Ils ont répondu que « la population de la Nouvelle-France augmente ». Ainsi, la rétroaction a permis à 7 élèves de s’ajuster. Malgré tout, l’analyse des réponses des élèves montrent qu’il y a encore quelques confusions entre société et territoire : 7 sur 19 (36%) ont associé un élément de société à un élément de territoire dans les choix de réponses (toutes les questions de l’examen). Notez que 5 de ces 7 élèves ont un résultat sous la moyenne.
La moyenne de l’examen est de 85% avec un écart-type de 12,32.
L’élaboration d’un texte
L’élaboration d’un texte a trois objectifs. Le premier est de faciliter la rédaction d’un texte en appliquant un modèle. Le deuxième objectif est de permettre aux élèves d’intégrer les connaissances lors de l’élaboration du texte et finalement d’améliorer leur compréhension des conséquences des programmes de colonisation sur la société et sur le territoire.
Parallèlement, mes élèves de première secondaire s’activaient à s’approprier le même modèle. Je me disais que le travail serait beaucoup plus difficile pour les plus jeunes. Je me trompais ! Les élèves de troisième secondaire ont eu beaucoup plus de difficulté à utiliser le modèle que je leur ai proposé. En analysant et en comparant les deux niveaux scolaires, j’ai constaté que les élèves de première secondaire n’ont jamais posé de questions. Ils ont appliqué le modèle sans se questionner et sans me questionner. Par contre, en troisième secondaire, j’ai eu plusieurs commentaires comme « Ce n’est pas comme ça en français », « La formulation est répétitive », « L’année dernière c’était différent » et « Est-ce que je peux utiliser une autre formulation que parce que ». L’autre difficulté fut dans les mauvaises conceptions de territoire et de société que j’ai mentionnées précédemment. Alors quand j’ai posé la question « Quelles sont les conséquences territoriales des programmes de colonisation des compagnies pendant le Régime français entre 1608 et 1663 ? » plusieurs élèves ont saigné des yeux.
J’ai confiance qu’après quelques pratiques, ils s’amélioreront.
Dossier documentaire apocalyptique de M. Lauzon
J’ai élaboré un dossier documentaire avec 92 documents. Il y a autant de documents iconographiques qu’écrits. Il y a des documents qui proviennent de Récitus et des examens du MELS allant de 1986 jusqu’à aujourd’hui.
L’objectif visé par l’activité est d’amener les élèves à transférer les connaissances reliées au Régime français à l’aide d’habilités développées précédemment comme l’analyse d’image et l’analyse de textes.
Est-ce que j’avais demandé aux élèves de ne pas paniquer ? Oui.
Est-ce que les élèves ont paniqué ? Oui, sauf quelques-uns.
Est-ce que j’ai dit aux élèves d’utiliser les notes de cours et les réseaux de concepts ? Oui.
Est-ce que les élèves ont ouvert les notes de cours et les réseaux de concepts ? Non, sauf quelques-uns.
Est-ce que j’ai dit aux élèves que l’activité était plus difficile et qu’une fois terminée, il allait avoir beaucoup plus de facilité ? Oui.
Est-ce que le élèves ont su surmonter les difficultés et ont persévéré ? Non, sauf quelques-uns.
Est-ce que l’enseignant (moi) a considéré qu’il s’agissait d’une quatrième période ? Non ! (Grosse erreur)
Après le cours, j’ai révisé l’activité en question. J’ai réalisé que j’avais placé les élèves dans une situation de compétence : de résolution de problèmes. L’activité était à la fois inédite, complexe et nécessitant un ensemble de procédures, et ce, après une longue journée. J’ai constaté que de nombreux élèves ont été incapables de mobiliser simultanément plusieurs de leurs connaissances et de leurs habiletés.
Pour être certain de garder les élèves motivés, j'ai dû m'ajuster. J’ai rajouté un petit détail aux consignes : la liste des conséquences territoriales et des conséquences sociales. Je me suis dit que si les élèves utilisent la liste, ils devront mettre davantage l’accent sur l’analyse pour élaborer des liens entre les documents, les connaissances et les conséquences.
Les deux dernières semaines n’ont pas été faciles pour mon moral. Les activités sont de plus en plus difficiles, ce qui joue sur la motivation des élèves (et la mienne). Quand les élèves ont de la difficulté, je réfléchis, je me pose des questions en me demandant ce que j’ai mal fait et ce que je pourrais améliorer. Jamais je ne blâmerai les élèves. J’ai beaucoup de patience, sauf avec un type de comportement, celui d’un élève qui ne veut pas surmonter ses difficultés et qui abandonne avant même d’avoir essayé. Je me donne beaucoup en classe et je prends beaucoup de temps pour élaborer les cours, et ce, souvent au dépend de d’autres activités personnelles et familiales. Je me dis peut-être que j’en fais trop. Est-ce que les élèves prennent maintenant mes activités et mon dynamisme en classe pour acquis ? Est-ce que je serais mieux de calmer mes ardeurs et de ne pas toujours faire des activités intéressantes et stimulantes pour amener mes élèves à appréhender ces moments ?
De bonnes questions n’est-ce pas ? MAIS ! Le cours suivant, le vendredi matin à la première période, juste après le mini test, les élèves ont travaillé comme jamais et ont surmonté les difficultés. Les élèves ont travaillé dans le dossier documentaire et ont trouvé les solutions par eux-mêmes. Première du matin ou dernière période de la journée, vraiment ? Est-ce la seule raison ? Quoi faire quand la moitié des cours sont à la troisième période et à la quatrième période ?
À suivre…
Le prochain blogue, l’évolution de l’exploitation des ressources naturelles de la Nouvelle-France jusqu’à aujourd’hui: un premier test pour ma vision de l'évaluation à l'aide de la conscience historique.
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