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Appel à contributions - RHAF - Sources orales au Québec

APPEL À CONTRIBUTIONS – NUMÉRO SPÉCIAL - REVUE D'HISTOIRE DE L'AMÉRIQUE FRANÇAISE

« Les sources orales au Québec. Réflexions sur un matériau et ses méthodes pour la compréhension du passé »

Proposition de numéro spécial sous la direction de Catherine Foisy[1], Steve High[2] et Jean-Philippe Warren[3]

Date prévue de publication du numéro spécial Printemps 2015

Argumentaire
Si, depuis les travaux pionniers des Marius Barbeau, Luc Lacoursière, Mgr Félix-Antoine Savard et Germain Lemieux, sj, des anthropologues, ethnologues et folkloristes ont cherché à cerner la tradition orale du Canada français, l’emploi de sources orales dans les travaux des chercheurs québécois qui n’appartiennent pas à ces trois branches disciplinaires reste encore marginal. Il semble que le champ universitaire québécois en soit resté à la cueillette de la parole des « anciens ». Le résultat en est que les chercheurs du Québec n’ont pas produit une réflexion approfondie et systématique des enjeux soulevés, pour l’étude du passé, par cette pratique.

Alors que l’utilisation des sources orales s’est maintenue et développée dans le monde anglo-saxon bien au-delà des années 1980, elle n’a jamais réussi à s’imposer dans le monde académique francophone en général et au Québec en particulier. Très peu d’études historiques se sont penchées sur un aspect de la réalité québécoise à partir de cette méthode au cours des trente dernières années. Or, de nombreux travaux ont démontré que la pratique de l’histoire orale est fructueuse pour ouvrir de nouveaux horizons dans notre compréhension des grandes transformations historiques. Elle permet, comme le montrent Paula Hamilton et Linda Shopes[4], de questionner la construction sociale du bien public, par exemple à travers des études sur ce que Pierre Nora nomme les « lieux de mémoire ». Plus généralement, elle favorise la déconstruction des grands récits nationaux en interrogeant la parole des négligés de l’histoire (dont les ouvriers, les femmes et les immigrants).

Pour y arriver, tout chercheur doit cependant opérer un changement de pratique et de positionnement important : passer de la cueillette d’informations classique à un processus interactif basé sur la rencontre des subjectivités. La réflexivité qui est mise à l’honneur demeure largement tributaire de la conscience que les interviewers et interviewés ont de leurs propres représentations, appartenances, culture, habitudes et valeurs. L’emploi des sources orales favorise ainsi un passage des structures aux identités, conférant aux études une épaisseur humaine qui favorise différents niveaux interprétatifs[5].

Ce numéro spécial, tout en faisant la genèse de la recherche menée au Québec à partir de sources orales, souhaite s’attarder principalement à démontrer l’intérêt d’études réalisées ou en cours sur des thèmes d’histoire culturelle, politique ou socioreligieuse québécoise employant une approche d’histoire orale. Il veut proposer par le fait même, à travers des analyses concrètes, une réflexion sur le locus socio-académique du chercheur, les conditions de production de cette connaissance ainsi que la relation entre le chercheur et la personne interviewée afin de démontrer comment l’interactivité, la subjectivité et la réflexivité des personnes jouent des rôles déterminants autant dans les contenus produits que dans le processus d’histoire orale lui-même. Une connaissance orale fondée sur le partage de l’autorité dans la construction du savoir, selon le titre d’un ouvrage de Michael Frisch[6], renvoie à divers enjeux de nature épistémologique et éthique, notamment en ce qui a trait à la négociation, entre les besoins et intérêts des chercheurs et ceux des personnes interviewées, des contenus qui seront rendus publics. Enfin, ce numéro spécial entend également revenir sur les enjeux relatifs à la scientificité des sources orales de même qu’à la nature des liens, pour le moins difficiles, qui unissent mémoire et histoire.

Parmi les questions auxquelles nous voudrions répondre, notons : quels sont les apports principaux des sources orales à notre compréhension de l’histoire? Devant les défis éthiques et méthodologiques posés par la relation de confiance et d’intimité qui se développe en faisant de l’histoire orale de même que par l’emploi des sources orales, que proposent les praticiens de l’histoire orale? Jusqu’où le partage de l’autorité entre chercheurs et personnes interviewées peut-il ou doit-il aller? Dans quelle mesure l’emploi d’une méthodologie intégrant des sources orales permet-il de renouveler certains thèmes d’histoire culturelle, politique ou socioreligieuse québécoise? En quoi l’histoire orale bouleverse-t-elle les rapports entre mémoire et histoire, entre chercheurs et informateurs, entre l’historien et les disciplines historiques?  

En revenant sur divers aspects relatifs à l’emploi de sources orales, ce numéro cherche à ouvrir des horizons quant aux réflexions épistémologiques, éthiques et méthodologiques contemporaines concernant les conditions de la production scientifique en histoire. Il fera ainsi avancer notre connaissance des apports et des limites de la pratique de l’histoire orale en contexte québécois.

Toute proposition d’article (titre et 250 mots) doit parvenir à Catherine Foisy (foisy.catherine@uqam.ca) en format Word d’ici au 1er avril 2014. Les articles (maximum de 10 000 mots) des propositions retenues devront parvenir à la même adresse au plus tard le 1er novembre 2014.

[1] Professeure au département de sciences des religions de l’UQÀM, elle a complété une thèse de doctorat sur les missionnaires québécois.
[2] Steve High est professeur titulaire au département d‘histoire de l’Université Concordia et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire orale et histoire publique. Il est également directeur du Centre d’histoire orale et de récits numérisés (CHORN).
[3] Professeur titulaire au département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia et titulaire de la Chaire Concordia d’études sur le Québec.
[4] Paula Hamilton et Linda Shopes (dir.), Oral History and Public Memories, Philadelphie, Temple University Press, 2008.
[5] Mary Jo Maynes, Jennifer L. Pierce et Barbara Laslett, Telling Stories: The Use of Personal Narratives in the Social Sciences and History, Ithaca, Cornell University Press, 2008, p. 42.
[6] Frisch, A Shared Authority: Essays on the Craft and Meaning of Oral and Public History, Albany: State University of New York Press, 1990.