Courte conceptualisation appliquée. Billet inspiré de « Conceptualiser le passé pour comprendre le présent : Conceptualisation et pédagogie de l'intégration en classe d'histoire » (Jean-Louis, JADOULLE, Mathieu BOUHON, & Agathe NYS, 2004)
23 September 2013 - 7:04am
L’histoire, vue dans une perspective de formation citoyenne, doit être approchée en fonction de son utilité pour l’individu qui l’étudie et en développe les modes de pensée. Pour paraphraser John Dewey, la connaissance du passé qui n’apporte pas d’éclairage sur le présent est contemplative et n’a d’intérêt que pour ceux qui font de cette connaissance abstraite un métier. Si on parle beaucoup de la progression des apprentissages et du développement des compétences disciplinaires en histoire, on parle trop peu du processus de conceptualisation qui se retrouve au cœur de chacune des thématiques du programme d’HEC. Les concepts d’État, de démocratie, d’institution, de liberté ou de territoire, par exemple, sont des entités contextuelles évolutives et non des abstractions universelles (Jadouille, Bouhon & Nys, 2004). Le processus d’acquisition de ces outils de pensée a ses particularités et ses mécanismes propres que présentent les auteurs de conceptualiser le passé pour comprendre le présent de façon méthodique.
La conceptualisation doit s’opérer (1) à partir d’expériences vécues et (2) être décontextualisée pour devenir (3) transférable à d’autres situations. Il faut donc préciser que le fait de définir un concept, aussi clair la définition soit-elle, n’est pas garant de l’appropriation du concept par les apprenants. Les définitions sont trop générales et les exemples que l’on peut vouloir donner sont souvent situés dans l’espace et le temps, en plus de ne pas s’ancrer dans une situation vécue. Comme le précisent les auteurs, un concept comporte une dimension contextuelle évolutive ce qui fait de la définition un outil trop limité pour l’encadrer adéquatement. Par ailleurs, cette approche repose à mon avis d’une conception transmissive, et par conséquent passive, de l’apprentissage. Notons finalement, avant d’aborder une courte démarche concrète de développement de concepts, qu’il en existe 2 types en histoire. Le premier est un concept d’historien qui sert à définir ou qualifier des réalités d’une époque donnée. Le second est un concept historique, au sens où il est d’époque et a traversé le temps. Dans les deux cas, il faut tenir compte de la dimension langagière et culturelle pour ne pas se méprendre quant au sens du concept (barbare est un excellent exemple de mot qui a changé de sens à travers les âges).
Pour favoriser l’apprentissage d’un concept complexe, il faut mettre en place une série de manipulations conceptuelles. Un concept comporte trois dimensions.
- Un (groupe de) mot(s) ;
- Des caractéristiques ;
- Des exemples et des contre-exemples.
La première étape correspond normalement à faire ressortir les représentations qu’ont les apprenants du concept afin d’avoir une base sur laquelle construire l’apprentissage. Ensuite, en s’adaptant au niveau de (in)compréhension, on peut entamer la démarche d’enquête. L’idée est de fournir une situation (par le biais de documents, par exemple) qui permette aux apprenants de répertorier certaines caractéristiques et certains exemples/contre-exemples dans une situation problématisée et contextualisée. Cette activité peut se faire à l’aide d’un tableau conceptuel (*voir image) ou d’un schéma quelconque que prépare l’enseignant ou que construisent les élèves.
Suite à cette étape, les élèves devraient d’hors et déjà être capable de dégager une compréhension primaire du concept en question. J’utilise le terme primaire, car cette compréhension peut être incomplète. Afin de rendre opérationnel le concept, il est essentiel de le réinvestir dans un autre contexte historique. Ainsi, qu’il s’agisse du concept de barbare en 476 ou de celui de démocratie à Athènes au Ve siècle av. J.-C., un réinvestissement dans une période ultérieure à l’aide d’une autre activité devrait permettre de consolider (et de décontextualiser davantage) la compréhension de l’élève du concept étudié. Par la comparaison et l’analyse, les élèves seront en mesure de saisir les différences entre les démocraties modernes et antiques et ainsi d’affiner leur tableau (ou schéma) conceptuel. En élargissant leur compréhension, ils rendent le réinvestissement du concept dans une situation nouvelle plus naturel et aisé tout en ayant des référents historiques.
Cette vulgarisation de l’approche de Jadouille, Bouhon et Nys n’est que la pointe d’une démarche complexe qu’ils développent dans Conceptualisation et pédagogie de l'intégration en classe d'histoire. Cette démarche s'appuie sur une structure PRI qui mérite d’être explorée, car aborder le concept « d’État » lorsqu’on étudie la période romaine (pour ne donner qu’un exemple) peut s’avérer une périlleuse aventure considérant la complexité du concept et le peu de référents qu’ont les élèves à ce stade de leur formation. Par ailleurs, cette démarche met l’accent sur l’intégration des concepts en favorisant le réinvestissement de ceux-ci. J’ai volontairement oblitéré des aspects et tenté de faire un résumé dense et pratique de l’approche. Si vous avez des questions, des commentaires ou des pistes d’enrichissement, n’hésitez pas à les laisser en commentaire.
Référence de l'ouvrage :
Jean-Louis, JADOULLE, Mathieu BOUHON, & Agathe NYS. (2004). Conceptualiser le passé pour comprendre le présent?: Conceptualisation et pédagogie de l’intégration en classe d’histoire (Apprende l’histoire.). Louvain: Université Catholique de Louvain.
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