Examen d'histoire du MELS Juin 2013
27 June 2013 - 7:42am
Dans le blogue de cette semaine, nous allons regarder et commenter quelques questions des examens de troisième et de quatrième secondaire de juin 2013 en histoire et éducation à la citoyenneté du MELS. Tout au long de l’exercice, nous nous poserons les deux questions suivantes :
- Qu’est-ce que l’examen cherche-t-il à évaluer ?
- Est-ce que l’examen est fidèle dans son évaluation ?
Description des examens
L’examen de troisième secondaire est un prototype d’épreuve et il est constitué de sept sections et elles portent sur les périodes historiques qui sont : « Premiers occupants », « L’émergence d’une société en Nouvelle-France », « Revendications et luttes dans la colonie britannique », « La formation de la fédération canadienne », « La modernisation de la société québécoise » et « Les enjeux de la société québécoise depuis 1980 ». L’examen comprend 18 questions courtes et une question longue. Il est aussi accompagné d’un dossier documentaire.
L’examen de quatrième secondaire est constitué de quatre parties. La première porte sur le thème « économie et développement », la deuxième sur « culture et mouvements de pensée », la troisième sur « Pouvoir et pouvoirs » et la dernière, celle de la question longue, sur « population et peuplement ». En tout, il y a 21 questions courtes et une question longue. L’examen est accompagné d’un dossier documentaire.
Dans les examens, nous devrions retrouver les opérations intellectuelles suivantes (MELS 2012) :
- Établir des faits
- Situer dans le temps et dans l’espace
- Caractériser une réalité historique
- Établir des comparaisons
- Déterminer des facteurs explicatifs et des conséquences
- Déterminer des éléments de continuité et des changements
- Mettre en relation des faits
- Établir des liens de causalité
Nous devrions aussi retrouver les connaissances de la « Progression des apprentissages ».
Examen de troisième secondaire
Nous nous pencherons que très brièvement sur l’examen de troisième secondaire, en raison de l’importance stratégique de celui de quatrième secondaire. Nous avons décidé de présenter qu’une seule question.
La question 16 dans la section « Les enjeux de la société québécoise depuis 1980 » cherche à évaluer l’opération intellectuelle « Établir des faits ». Selon le guide du MELS (2012) c’est l’« Habilité de l’élève à identifier des faits pertinents et exacts à partir de documents ». Pour ce qui est de la progression des apprentissages, l’élève doit identifier des acteurs comme par exemple des chefs de partis politiques.
La question est la suivante : « Qui dirige le gouvernement du Québec lors du référendum de 1980 ? ».
La réponse devrait se retrouver dans le dossier documentaire, mais la seule source primaire pouvant être utilisé est celle de la question référendaire et René Lévesque n’est jamais mentionné. Ainsi, pour cette question, l’évaluation n’est pas fidèle à l’intention initiale, car l’élève ne peut identifier le fait à l’aide d’un document. Conséquemment, il n’est pas question d’une habileté et encore moins d’une compétence, parce qu’il s’agit tout simplement de « par cœur » : l’élève le sait ou ne le sait pas.
Question à choix de réponses
Dans l’examen de troisième secondaire, il y a 4 questions à choix de réponses, alors qu’il n’y en pas dans celui de quatrième secondaire. Nous n’avons pas d’objections aux questions de ce type lorsqu’il est nécessaire d’établir des faits ou de mobiliser une connaissance, mais il devrait y avoir une cohérence et une continuité entre les examens de troisième et quatrième secondaire.
Examen de quatrième secondaire
Question 10
La question 10 de la section « culture et mouvements de pensée » est un exemple de question à éviter, et ce, peu importe la discipline.
« Dès le début du 17e siècle, les colons français utilisent des raquettes et portent des vêtements de peaux. Quel facteur explique cette adaptation aux hivers rigoureux de la Nouvelle-France » (MELS 2013)
L’opération intellectuelle est « déterminer des facteurs explicatifs et des conséquences ». La source primaire pouvant aider l’élève à répondre à la question est une peinture de C.W. Jefferys (C-073423 Bibliothèque des archives du Canada). La question vaut deux points si l’élève détermine correctement le facteur explicatif et zéro s’il ne le fait pas.
Les réponses acceptées sont « Le contact avec les Amérindiens ou l’influence des Amérindiens ». Jusqu’ici tout va bien, mais le corrigé mentionne aussi que « Les températures froides ou la neige abondante » sont de bonnes réponses.
Ici, nous constatons que la réponse est dans la question. Nous pouvons aussi mentionner que la formulation suivante est bancale: « Le facteur qui explique l’adaptation aux hivers rigoureux de la Nouvelle-France est la température froide ou la neige abondante. ». La formulation suivante est beaucoup plus cohérente : « Le facteur qui explique l’adaptation aux hivers rigoureux de la Nouvelle-France est le contact avec les Amérindiens ou l’influence des Amérindiens ». Accepter la première formulation c’est dire que les Français ont trouvé seul la solution aux problèmes climatiques.
Établir des faits
Les questions 1, 4, 9 et 17
#1 « Quelle activité économique est pratiquée par les Européens le long des côtes de Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent dès le début du 16e siècle ?»
#4 « Indiquez la principale source d’énergie utilisée dans les manufactures durant la première phase de l’industrialisation »
#9 « Indiquez le principal rôle des missionnaires auprès des Amérindiens en Nouvelle-France »
#17 « Quel est le nom de la structure politique mise en place dans la colonie par le roi de France en 1663 ? »
Contrairement à la question 16 de l’examen de troisième secondaire, les sources dans le dossier documentaire peuvent aider l’élève à trouver la réponse. Qu’est-ce que le MELS veut évaluer avec ces questions ? Est-ce l’habilité qui vise à analyser les documents et de faire ensuite des liens avec les connaissances antérieures ?
Si c’est le cas, c’est un échec de la part du MELS, et ce, pour deux raisons. Dans un premier temps, la question n’identifie pas la source dans le dossier documentaire que l’élève doit utiliser pour y répondre adéquatement. Ainsi, l’élève doit regarder et analyser tous les documents. Il doit aussi faire des liens avec toutes ses connaissances antérieures. Donc, la question n’est pas fidèle à l’opération intellectuelle « établir des faits », car d’autres connaissances et de nombreuses autres habilités comme celles de la démarche historique (Duquette 2011), doivent être mobilisées. Avec cette réalité, il faut se demander si les responsables du MELS ont élaboré l’examen à l’aide d’une structure rayonnante. Dans un deuxième temps, Carette (2007) mentionne que les connaissances de l’élève viennent faire de l’interférence dans l’évaluation de la compétence. Avec ce genre de questions, il n’a aucun moyen d’inférer si l’élève a utilisé le dossier documentaire parce qu’il aurait tout simplement pu utiliser ses connaissances (par cœur) : que l’élève ait la bonne ou la mauvaise réponse, il n’y a aucun moyen de savoir s’il a mobilisé sa compétence. En plus, dans un contexte d’évaluation formative, si un enseignant reprend la forme de l’examen du MELS pour préparer ses élèves, il ne dispose d’aucun moyen pour leur donner une rétroaction cohérente.
Nous n’irons pas plus loin dans cet exercice d’analyse, car peu importe la question, le problème soulevé par Carette (2007), celui de l’interférence des connaissances, est observable dans les 20 questions courtes de l’examen de quatrième secondaire. Il n’y a pas moyen de savoir si l’élève utilise ses connaissances ou le dossier documentaire, ce qui rend l’évaluation de la compétence historienne, celle présentée dans le PFEQ, complètement inutile. Bref, connaissances, connaissances, connaissances et en ayant aucun choix de réponses, l’élève n’a que sa mémoire pour répondre, et ce, comme en 1915 dans « Histoire du Canada » de C.S. Viator où « Les leçons présentent la suite des événements. Elles doivent être apprises de mémoire et récitées » (1915).
Opérations Intellectuelle ou progression des apprentissages ?
Finalement, c’est la question de l’œuf ou de la poule. Connaissances ou compétences ? À ce point, nous nous demandons si les opérations intellectuelles sont des artefacts qui orientent le sens des questions. Les connaissances de la progression des apprentissages orientent le fond de l’examen et les opérations intellectuelles la forme. C’est le monde à l’envers.
Notez aussi que l’évaluation des compétences doit se faire dans des situations inédites et bien que ce soit le cas dans les autres disciplines, en histoire, l’examen revient sur les connaissances acquises pendant l’année scolaire.