Des principes de l’enseignement stratégique appliqués à une situation d’apprentissage et d’évaluation (SAÉ) en classe d’histoire
8 June 2013 - 11:05pm
Enseigner est un acte complexe. Afin de faciliter cette tâche, l’enseignant peut avoir recours à divers modèles d’enseignement-apprentissage lui permettant de planifier ses cours. L’enseignement stratégique, fondé sur des recherches en psychologie cognitive, constitue un de ces modèles. Je crois que ce modèle comporte de nombreux avantages puisqu’il permet, entre autres, à l’enseignant de mieux comprendre l’apprentissage chez l’élève et ainsi, d’intervenir efficacement tout au long de son processus. Tout d’abord, je vous expliquerai ce qu’est une situation d’apprentissage et d’évaluation (SAÉ) en histoire. Par la suite, je vous présenterai les six principes de l’enseignement stratégique pour ensuite démontrer comment des principes de l’enseignement stratégique peuvent s’appliquer dans la phase de préparation d’une SAÉ.
Une situation d’apprentissage et d’évaluation (SAÉ) en histoire
Une SAÉ est définie comme «un ensemble constitué d’une ou plusieurs tâches à réaliser par l’élève en vue d’atteindre le but fixé.» (MELS, 2007, p. 5). Elle permet notamment à l’élève de développer et d’exercer une ou plusieurs compétences disciplinaires et à l’enseignant d’assurer le suivi du développement des compétences dans une perspective d’aide à l’apprentissage et de s’en servir pour la reconnaissance des compétences de l’élève. Le fil conducteur de la SAÉ peut s’établir à partir d’un contexte associé à une situation-problème. Cette méthode est particulièrement privilégiée dans les situations d’apprentissage en classe. La SAÉ se déroule en trois phases : la préparation, la réalisation et l’intégration. Chacune des phases présente à l’élève des tâches complexes. Nombreux sont les avantages de l’utilisation de la SAÉ dans le but d’actualiser les principes de l’enseignement stratégique et ce, dans un contexte concret d’enseignement-apprentissage.
Des principes de l’enseignement stratégique
Ouellet (1997) a élaboré six principes basés sur l’enseignement stratégique afin d’en faire un cadre théorique. Selon l’auteure, ces principes pédagogiques, basés sur les recherches en psychologie cognitive, facilitent l’examen critique de l’efficacité de l’action pédagogique auprès des élèves. Ces principes sont les suivants :
1. L’apprentissage est un processus actif et constructif.
2. L’apprentissage est essentiellement l’établissement de liens entre les nouvelles données et des connaissances antérieures.
3. L’apprentissage concerne autant les connaissances procédurales et conditionnelles que les connaissances déclaratives d’un savoir ou savoir-faire apprendre.
4. L’apprentissage exige l’organisation constante des connaissances, et cela, en fonction du mode de représentation particulier à chaque type de connaissances.
5. L’apprentissage concerne autant les stratégies cognitives et métacognitives que les connaissances théoriques.
6. La motivation scolaire détermine le degré d’engagement, de participation et de persistance de l’élève dans ses apprentissages.
Ainsi, comment ces principes de l’enseignement stratégique peuvent-ils s’appliquer concrètement lors du déroulement d’une SAÉ ? Dans les prochaines lignes, je vous donnerai des exemples d’applications lors de la phase de préparation d’une SAÉ.
La phase de préparation d’une SAÉ
La phase de préparation à la démarche d’apprentissage est très importante puisqu’elle détermine, pour une bonne part, la qualité de l’engagement de l’élève (Ouellet, 1997). Cette phase comporte quatre parties qui seront détaillées ci-dessous :
La mise en situation (déclencheur)
C’est dans cette phase que l’on suscite la motivation de l’élève (6e principe) et où l’élève entre en contact avec l’objet d’apprentissage. Ce déclencheur a donc pour but de présenter l’objet d’apprentissage de la SAÉ et de susciter la curiosité chez l’élève sur le sujet afin que celui-ci s’engage dans la réalisation de la SAÉ. Selon cette optique, l’enseignant stratégique doit jouer un rôle de motivateur. Il doit, par exemple, «insister fréquemment sur le fait que les buts poursuivis par l’activité sont des buts d’apprentissage plutôt que des buts d’évaluation puisqu’ainsi l’élève n’est pas dans un contexte où, très fréquemment, des jugements définitifs sont portés sur ce qu’il sait et sur ce qu’il ne sait pas.» (Tardif, 1992). Dans une SAÉ en histoire, il est facile de piquer la curiosité d’un élève en présentant, par exemple, des objets utilisés autrefois mais aujourd’hui inconnus des élèves (j’ai ici en tête un vieux fer à friser qui ressemble à une grosse paire de ciseaux). Parfois, comme déclencheur, je présente une caricature du journal pour ensuite faire le lien avec l’objet d’apprentissage. Il existe donc de nombreuses façons de faire en sorte que l’élève soit plus motivé en classe d’histoire.
Activation des connaissances antérieures
Un élève ne peut traiter l’information sans établir des liens avec des connaissances qu’il a emmagasinées dans sa mémoire à long terme. L’apprentissage est l’établissement de liens entre de nouvelles données et des connaissances antérieures (2e principe). L’apprentissage est donc un processus cumulatif. Comme le mentionne Tardif (1992), on ne peut apprendre que ce qu’on connaît déjà. En tant que penseur, l’enseignant stratégique, expert du contenu, s’interroge sur la pertinence des activités présentées à l’élève au regard des connaissances antérieures de celui-ci. En didactique de l’histoire, Wineburg (2000) propose de s’intéresser à ce que les jeunes connaissent de l’histoire, plutôt qu’à ce qu’ils ignorent. Cet aspect est très important, surtout lorsque l’on constate qu’il n’y a pas juste en classe d’histoire qu’il est possible d’apprendre l’histoire. L’histoire est partout : au cinéma, à la télévision (je pense à certaines chaînes spécialisées sur l’histoire), dans les musées, etc. En tant qu’enseignant, il faut donc travailler à partir de ce que les élèves connaissent, autrement dit, à partir des représentations qu’ils ont déjà acquis de l’histoire.
Présentation du déroulement de la SAÉ
En enseignement stratégique, les apprenants doivent utiliser plusieurs stratégies d’apprentissage afin d’atteindre un but précis. Les stratégies d’apprentissage sont des moyens développés par les élèves pour apprendre (5e principe). Les stratégies peuvent être affectives, cognitives, métacognitives ou de gestion. La réception fait partie des stratégies affectives. L’apprenant travaille alors sur son attitude au regard de la tâche de manière à être réceptif et à s’y engager, en dépit de l’incertitude qu’elle peut soulever (Presseau, 2004). De plus, une bonne présentation des attentes de l’enseignant au regard de la tâche à réaliser par les élèves peut aider à faire diminuer le niveau d’anxiété de ceux-ci. Cette étape est, à mon avis, essentielle puisqu’elle permet le déroulement harmonieux de cette séquence d’apprentissage.
Présentation d’une situation-problème
Selon la psychologie cognitive, les interventions pédagogiques basées sur la résolution de problèmes devraient constituer la pierre angulaire de l’enseignement et de l’apprentissage (Tardif, 1992). «Les problèmes historiques forment une plate-forme idéale pour un apprentissage actif et une application des connaissances historiques.» (Peter Gray, 1988 : cité dans Martineau, 2010, p.169). En enseignement stratégique, l’apprentissage est un processus actif et constructif (1er principe). En tant qu’entraîneur, l’enseignant stratégique place ses élèves dans un contexte de résolution de problèmes. Voici un exemple d’une situation-problème que j’ai utilisé en classe d’histoire cette année en 4e secondaire lors d’une SAÉ portant sur l’idée de l’indépendance du Québec : Comment le mouvement indépendantiste a-t-il évolué au Québec depuis plus d’un demi-siècle? Selon vous, en 2013, l’idée de l’indépendance du Québec est-elle encore un sujet d’actualité ou est-elle un sujet démodé? Ces questions ont donc constitué le fil conducteur de ma SAÉ.
Bref, il serait intéressant de poursuivre cette démonstration des applications possibles entre les principes de l’enseignement stratégique et une SAÉ en histoire lors des phases de réalisation et d’intégration. Actuellement, la réforme de l'éducation favorise des approches pédagogiques davantage influencées par le constructivisme ou le socio-constructivisme. À mon avis, l’enseignement stratégique est une méthode d’enseignement qui a fait ses preuves depuis plus de vingt ans. Selon Richard et Bissonnette (2012), le cognitivisme s’appuie sur une longue tradition de recherches empiriques, ce que le constructivisme ne peut revendiquer. Je crois donc que l’enseignement stratégique a toujours sa place dans la planification des activités d’enseignement et d’apprentissage, tout particulièrement en histoire.
Références :
Martineau, R. (2010). Fondements et pratiques de l'enseignement de l'histoire à l'école. Québec : Presses de l'Université du Québec.
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2007b). Situation d’apprentissage et d’évaluation. Intégration scolaire, linguistique et sociale. Québec : Gouvernement du Québec.
Ouellet, Y. (1997). Un cadre de référence en enseignement stratégique. Vie pédagogique. 104 (sept-oct.), p. 4-11.
Presseau, A. (2004). Intégrer l’enseignement stratégique dans sa classe. Montréal : Chenelière McGraw-Hill.
Richard, M., & Bissonnette, S. (2012). Les sciences cognitives et l’enseignement. Dans C. Gauthier, & M. Tardif, (dir.), La pédagogie : Théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours. (3e éd., pp. 237-255). Montréal : Chenelière Éducation.
Tardif, J. (1992). Pour un enseignement stratégique. L’apport de la psychologie cognitive. Montréal : Éditions Logiques.
Wineburg, S. (2000). Making Historical Sense. Dans P. N. Stearns, P. Seixas, and S. Wineburg (dir.), Knowing, teaching & learning history : National and International Perspectives (p. 306-325). New York : New York University Press.