Les dattes c’est bon, mais les dates aussi ?
14 January 2013 - 10:44am
Comme à chaque année le Bye-Bye de Radio-Canada a revisité, de manière plus ou moins réussie, l’année 2012 en présentant des sketchs qui se veulent satiriques. Vous pouvez le revoir en intégralité sur tou.tv. J’aimerais que l’on s’arrête à une des sections « Nouvelles Bye-Bye 2012 », précisément de 22 : 06 à 23 : 20. Le petit sketch est probablement passé inaperçu puisqu’il dure moins de 2 minutes. Ceci dit, il aborde les cours repris suite à la grève étudiante au Québec du printemps 2012. Le prétexte utilisé est tout simplement un cours d’histoire par lequel les étudiants apprennent en « accéléré » des dates ou évènements importants puisqu’ils étaient en grève.
Les intentions du sketch ne sont pourtant pas si évidentes : est-ce pour critiquer la reprise en accéléré de tous les cours suite à la grève et donc d’obtenir un diplôme en rabais ? Est-ce pour questionner la place de l’enseignement de l’histoire au Québec (pour répondre au débat du nombre d’heures pas assez élevé au secondaire comme au collégial1) ? Est-ce pour illustrer le débat enseignement par compétences versus mémorisation d’un récit (en particulier depuis la fuite du programme du d’histoire nationale en 2006 qui a soulevé l’ire de nombreuses personnes et associations2) ? En fait, mon approche personnelle me pousse à répondre à l’affirmative à toutes ces questions. Pourtant, pour cibler toutes ces nuances en moins de 2 minutes c’est vraiment fort, et je ne crois pas que tout le monde ait réussi à voir cela.
Ainsi, dans ce clip, l’enseignante arrive en classe lance quelques repères chronologiques aux élèves, dont l’arrivée de Jacques Cartier en 1534, et passe tout de suite à l’examen final. Le plus drôle est quand elle demande à une élève : « La bataille des Plaines d’Abraham, pourquoi on l’a perdu ? » et la jeune de répondre « Pourquoi pas »?
L’enseignante d'encourager : « Très bien, excellente réflexion critique »! Ils tournent quelque peu en dérision le fait de se poser des questions. Il est vrai, que la réponse donnée est tout à fait hilarante, mais réduit la pensée historique à un questionnement inutile. Est-ce que se poser des questions c’est simplement dire pourquoi pas ? Soit ils insultent le niveau intellectuel de la jeunesse québécoise, soit ils dénigrent le principe même de se poser des questions.
Si on met de côté les piques plus politiques ou sociales de certaines blagues et que l’on s’attarde au fond didactique de l’histoire, on s’aperçoit selon moi de deux choses : 1) le sketch renforce l’idée que les dates sont importantes à apprendre et qu’il faut maîtriser un récit composé d’évènements sélectionnés; 2) poser des questions ne devrait pas se faire dans le cours d’histoire.
Quand cessera-t-on de s’arrêter à des débats superficiels sur le nombre de dates à apprendre? N'est-il pas grand temps de commencer réellement à se soucier des apprentissages des élèves au-delà d’un agenda politique ? Les dates sont importantes, les évènements aussi bien, mais ne pas se soucier de développer des attitudes réflexives et critiques chez les élèves, c’est simplement croire qu’ils n’en sont pas capables…
1- Voir entre autres: http://www.coalitionhistoire.
2 - BOUTONNET, Vincent, CARDIN, Jean-François et ÉTHIER, Marc-André (2012). « Les représentations quant à la place des savoirs dans l’éducation historique telles qu’elles se sont manifestées lors du débat concernant le nouveau programme d’histoire au Québec (2006-2010) ». Actes du colloque international de didactique de l’histoire, de la géographie et éducation à la citoyenneté, mars 2011, INRP, Lyon.