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Penser la guerre de 1812: quelques idées d'étudiants

Posted by Stéphane Lévesque
5 December 2012 - 4:12pm

Que devraient savoir nos étudiants au sujet de la guerre de 1812?

Dans le cadre de leurs études primaires et secondaires, les étudiants canadiens dédient un nombre considérable d’heures à étudier l’histoire. À l’obtention de leur diplôme d’étude secondaire, ils auront acquis des connaissances sur l’Empire Romain, les coureurs des bois, les sociétés médievales, le féminisme, l’Holocauste, la Charte des droits et libertés, le terrorisme du 11 septembre et, bien sûr, la guerre de 1812. Leurs cours d’histoire font aussi explicitement référence aux notions de
« pensée historique », de « recherche » et de « l’littératie ».

Toutefois, comme au sein de plusieurs juridictions, les programmes actuels d’histoire en Ontario ne favorisent pas nécessairement la progression des apprentissages au delà d’une simple accumulation de faits chronologiques. Il en résulte que les étudiants se retrouvent sans opportunité structurée de développer leurs habiletés de penser l’histoire de façon critique, du moins pas dans la manière dont les lignes directrices du curriculum sont conçues. Depuis un certain nombre d’années, un groupe de chercheurs, de réformateurs de programmes et d’enseignants canadiens ont porté leur attention sur cet enjeu, défini en terme de progression des apprentissages.

Un nombre restreint mais croissant d’études a documenté l’engagement novice-expert avec le passé. Ces dernières ont mis en évidence les différences fondamentales dans la conceptualisation de la discipline historique entre historiens et étudiants. Elles ont fourni à la communauté académique une vision plus rigoureuse de l’état de la spécialisation historique ainsi que de quelques objectifs réalistes à atteindre en classe. « La différence entre l’approche de chaque groupe », Wineburg (2001) mentionne, « remonte à des croyances radicales sur le savoir historique, ou ce que l’on peut nommer une épistémologie du texte » (p. 76). Ce qui fait  des historiens des spécialistes, en fait, est non seulement leur vaste savoir mais leur « littératie historique », c'est à dire leur habiletés à lire, écrire et pensée l'histoire de manière critique  (Lévesque, 2010).

Lorsque l’on pense en terme de littératie historique, on peut plus précisément et adéquatement (1) mesurer les idées préconçues des étudiants au sujet de l’histoire et (2) trouver des stratégies afin de graduellement améliorer et perfectionner leurs idées.

Dans le but de mieux étudier  les idées des étudiants, nous avons élaborée une brève activité en ligne sur la guerre de 1812 et la bataille de Queenston Heights avec une classe d’étudiants (n=29) inscrits à un cours avancé d’histoire canadienne (12e année) dans une école anglophone du sud de l’Ontario. Pour cette enquête, notre équipe de recherche a fourni aux étudiants un bref synopsis de la tâche ainsi qu’un résumé historique de la bataille de Queenston Heights sur la rivière Niagara (1812). Les étudiants ont ensuite passé trois cours de 75 minutes à compléter l’activité individuellement dans un laboratoire informatique. À l’aide de sources primaires disponibles en ligne sur le site www.historienvirtuel.ca (compte-rendu de la bataille par un officier de la milice canadienne Archibald McLean, plan historique de la région du Niagara et simulation informatique), les étudiants devaient créer une représentation numérique de la bataille en se basant sur un fameux tableau britannique produit par T. Sutherland en Angleterre en 1836. Une fois complété, les étudiants devaient comparer et contraster leur représentation visuelle avec la peinture originale (qu’ils pouvaient consulter seulement  après avoir recréé la bataille en ligne).

Les résultats de notre étude  sont à la fois fascinants et troublants.  D’une part, les étudiants ont produit des représentations visuelles très dynamiques et des textes engagés. Leurs habiletés  à utiliser les sources et manipuler les objets d’apprentissages sont remarquables. D'autre part, leurs capacités à concevoir l’histoire comme discipline et à interpréter  les sources de manière historique sont questionnables.  En dépit de 12 années d’enseignement formel et de cours dans le domaine de l’histoire, plusieurs étudiants ont de graves difficultés à comprendre la nature interprétative de l’histoire.  Par conséquent, le développement de la littératie historique n’est pas entièrement lié à l’âge. Les étudiants ne deviennent pas automatiquement de meilleurs lecteurs ou penseurs en grandissant. Chez les étudiants de douzième année, les idées liées à l’histoire fluctuent considérablement entre une vision pragmatique  et une conception critique de la matière. C’est donc dire que les pratiques d’enseignement requises pour la création d’une histoire personnelle valide pour le 21e siècle doivent être développées progressivement et régulièrement. Ajouter dvantage de cours ou augmenter le contenu historique des programmes ne donnera pas les effets escomptés. Nos écoles doivent mieux enseigner la pensée et la littératie historique…

Pour une version complète de l'article, consulter la revue professionelle RAPPORT (November 2012) [version anglaise]

Stéphane Lévesque, UOttawa

Lévesque, S. (Winter 2010). On historical literacy: Learning to think like historians. Canadian Issues: 42-46.

Wineburg, S. (2001). Historical thinking and other unnatural acts: Charting the future of teaching the past. Philadelphia: Temple University Press.