La guerre de 1812 : commémoration ou propagande?
25 June 2012 - 12:55pm
La création du Parti conservateur du Canada en 2003 avait amené plusieurs commentateurs de la scène politique canadienne à faire des rapprochements entre cette nouvelle droite et le parti républicain américain. Pour briser cette image, le gouvernement conservateur a sorti des boules à mites les portraits de la reine et la guerre de 1812.
Sur ce sujet, Josée Boileau du Devoir déclare : « Des dizaines de millions de dollars seront dépensés pour convaincre les Canadiens que 1812 conduira à 1867. Une erreur historique montée en épingle sans vergogne par les conservateurs. » Le célèbre auteur d’illustrations historiques, Francis Back, a déclaré dans une entrevue que le gouvernement conservateur instrumentalise la guerre de 1812 à des fins politiques et qu’il cherche des « symboles inventés ».
Dans cet article, j’aimerais attirer votre attention sur trois déclarations prises sur le site du gouvernement du Canada sur la guerre de 1812, qui appuient les propos de Josée Boileau et de Francis Back.
1) « La guerre nous a permis de devenir un pays libre et indépendant».
Cette affirmation nie les rapports de forces réels qui animaient les protagonistes. Le conflit oppose la première « nation libre et indépendante » du monde, les États-Unis d’Amérique, contre une colonie de la plus grande puissance militaire et commerciale de l’époque, l’Empire britannique. Au début du XIXe siècle, les États-Unis sont le pays le plus démocratique du monde, alors que le Canada est dirigé par une élite autocratique et corrompue (la Clique du Chatêau au Bas-Canada et le Family Compact dans le Haut-Canada).
Ce qui a réellement jeté les bases de la démocratie canadienne ce fut les luttes menées par les réformistes du Haut-Canada et les patriotes du Bas-Canada pour le gouvernement responsable durant la première moitié du XIXe siècle. Si nous voulons réellement commémorer les racines de la démocratie canadienne, c’est vers eux que nous devons nous tourner.
Johannes A. Oertel / Pulling down the statue of George III by the "Sons of Freedom," New York, 1776 / Library of Congress / Domaine public
La naissance du Canada en 1867 est d’abord est avant tout une alliance économique pour prendre le contrôle de l'ouest canadien avant que les États-Unis ne le fassent. L’identité canadienne n’apparaît que plus tard…vraiment plus tard. Le «drapeau que nous saluons», l’Unifolié, n’est adopté qu’en 1965 après d’âpres débats en chambre entre ceux qui voulaient rompre avec les symboles de l’Empire britannique et ceux qui y tenaient toujours. Le Ô Canada devient l’hymne national du pays en 1980.
3) « Si la guerre s’était terminée autrement, l’identité francophone du Québec n’existerait pas. »
Cela présuppose que les États-Unis d'Amérique auraient été plus enclins à l'assimilation des francophones que l'Empire britannique...c’est oublié Lord Durham, représentant de l’Empire, qui dans son rapport déclarait explicitement, que pour prévenir de nouveaux soulèvements populaires dans le Bas-Canada, il fallait assimiler la population francophone. Pour plusieurs héritiers du parti patriote vers la fin du XIXe siècle, le meilleur moyen pour assurer le libre épanouissement du Bas-Canada était l’annexion avec la République américaine ! Les francophones ont survécu, parce qu’ils ont résisté, cela n’a aucun rapport avec la guerre de 1812 !
L'histoire peut difficilement être apolitique et impartiale. Par exemple, la présentation de la Crise d'octobre en classe est intimement liée aux convictions politiques de l'enseignant. Chaque camp politique va mettre l'emphase sur certains faits et marginaliser les autres. Mais lorsqu’un gouvernement crée de toutes pièces un récit historique pour servir ses intérêts politiques immédiats, sans tenir aucunement compte de l’historiographie, cela devient de la propagande pure et simple.
Si ça continue comme ça, d'ici quelques années, le gouvernement conservateur va nous présenter la participation canadienne à la Guerre des Boers comme étant notre première mission de maintien de la paix !