De la manipulation pour l’acquisition des concepts en univers social
29 November 2011 - 8:22pm
par Viateur Karwera - Ceux ou celles qui s’inspirent des travaux réalisés sur le développement psychologique de l’être humain, dont notamment les travaux de Jean Piaget (Hallam, 1970) sont convaincu(e)s que les opérations cognitives propre à la pensée historique et géographique sont problématiques voire impossibles avant l’âge de 14 ans, l’âge de la pensée formelle. Il serait donc vain de tenter de développer des concepts et ces outils de pensée avant que l’enfant atteigne ce stade de développement. Au stade opératoire concret (6-11 ans), à l’âge de l’école primaire pratiquement, les élèves seraient tout simplement apte à décrire les événements, à repérer les faits sans toutefois être capables de réaliser des critiques objectives, de dépasser la nature apparente des informations qui leur sont présentées ou de faire des inférences et d’émettre finalement des hypothèses quant aux relations de causalité entre les événements sociaux de leur environnement.
Les conceptions reliées au fait que les jeunes ne sont pas bien outillés pour comprendre les réalités sociales ont contribué et contribuent encore à éloigner ces jeunes du travail d’analyse et de critique des sources primaires au profit du style de transmission des connaissances déjà construites par les autres. Cependant, les travaux de Seixas (1996) et Cooper (1995) prouvent que cette distance imaginaire entre les jeunes et les réalités historiques et géographiques est surestimée. Dès leur jeune âge, ils sont confrontés avec le passé, avec des réalités géographiques dans leur environnement physique (les cimetières, les albums de photos, les ponts, les statues, les maisons historiques, etc.). Ils arrivent à l’école avec un bagage suffisant pour affronter les objets d’enseignement, car ces éléments leur sont déjà exposés dans les médias et dans les discussions familiales ou dans les comptes.
À partir de leur bagage culturel, ils ont alors une bonne base pour partir progressivement des apprentissages plus complexes. C’est d’ailleurs ce que confirme Cariou (2009) lorsqu’il mentionne qu’«il n’existe pas une différence de nature entre le raisonnement scientifique des historiens et le raisonnement naïf que les élèves mobilisent en classe». C’est seulement le contrôle de ce raisonnement qui différencie les deux, soit le degré de complexification. Les élèves sont donc disposés à mobiliser leur raisonnement naturel, leur sens commun et à le complexifier si les conditions didactiques le permettent. Dans cette perspective, Bruner (1977) suggère que les enseignants soient au clair avec les principes et les concepts qui structurent l’univers social de l’élève. Les concepts centraux de l’univers social devraient être vus et revus durant le cursus scolaire et cela dans les angles différents avec des approches variées. En d’autres termes, il faut favoriser la manipulation des concepts de façon active et conceptuelle. Comme l’identité de l’enfant se structure à partir des éléments de son environnement immédiat (Cooper et Capita, 2004), Bruner (1977) propose que cette manipulation se fasse à trois niveaux, à savoir le niveau active où le jeune rentre en contact avec des objets concrets, le niveau iconique qui permet de se faire des représentations, des images mentales et le niveau symbolique qui permet la manipulation des symboles associés au concept à l’étude. Ainsi, par exemple, la manipulation du concept de conquête pourrait passer par la visite des lieux historiques rappelant la confrontation entre les anglais et les français au Québec, la visite de certains cimetières pour observer des pierres tombales et l’information qui y est marquée. Cette observation et des commentaires de l’accompagnateur (trice) permettraient de se faire une image mentale de ce passé. Le troisième niveau serait facilité par la manipulation des symboles reliés à la conquête sans recours à l’objet concret (la conquête serait relié à la domination du secteur économique par les anglais et tous les impacts de la conquête sur l’organisation sociale de la société québécoise: la présence des loyalistes, des cantons, etc.).