Mise en valeur des collections du Musée d'art de Joliette par la technologie
2 February 2016 - 5:02pm
par Marine Holub et Annie-Claude Larocque
Situé dans Lanaudière, le Musée d'art de Joliette – MAJ – est considéré comme le plus grand musée d’art localisé à l’extérieur des grands centres urbains du Québec. Composées de 8500 œuvres qui se comparent avantageusement à celles des grands musées privés et nationaux québécois, les collections du MAJ témoignent de la richesse du patrimoine culturel du pays. Issues de la volonté première du père Wilfried Corbeil (1893-1979), visionnaire et grand amateur d’art, qui expose fièrement dans la galerie de peintures du Séminaire de Joliette les œuvres des peintres canadiens qu’il collectionne, dont Ozias Leduc (1864-1965) et Paul-Émile Borduas (1905-1960), les collections initiales du MAJ se sont ensuite enrichies de nombreux dons. Confiées en 1966 à un comité, ces dernières trouvent leur place définitive lorsque le Musée d’art de Joliette est officiellement inauguré, en 1976. Mais c’est en 2015, au lendemain de sa plus récente rénovation que le Musée d’art de Joliette s’inscrit véritablement dans le paysage muséal québécois en déployant ses collections selon quatre (4) axes, art canadien, art européen, art contemporain et archéologie, de même qu’en s’impliquant intensivement dans sa communauté par une offre locale éducative et culturelle diversifiée.
Le Musée possède un fort potentiel attractif ; néanmoins, un examen approfondi révèle un désir d’accroître sa notoriété au-delà de sa région. En effet, bien qu’implanté localement, le MAJ semble toutefois bénéficier d’un achalandage principalement touristique saisonnier et manque de visibilité dans les grands centres urbains. Ce constat nous a amené à rechercher des mesures pour solliciter un public issu d’une zone d’attraction élargie. Les jeunes conservatrices du Musée souhaitent en effet faire du MAJ un leader innovant du milieu muséal, en offrant des expériences que l’on peut qualifier d’avant-gardistes et qui répondent aux tendances actuelles d’ouvrir le musée à tous les publics néophytes, voire marginaux. Manifestant cette volonté, les conservatrices du MAJ ont récemment participé à la réalisation de prototypes lors de « Muséomix 2015 », événement dédié à l’emploi des technologies de pointe dans les musées. Nous avons par conséquent cherché une solution qui utiliserait ce type d’innovations disponibles pour positionner le MAJ parmi les précurseurs, ce qui lui assurait une renommée nationale.
Pour nous, la réponse à cette volonté d’inclusion du MAJ devait donc contenir innovation, affirmation de l’excellence des collections et implication des visiteurs. De plus, tous ces éléments devaient être intégrés par le biais d’un module implanté dans le hall d’accueil du musée.
Dans un premier temps, nous avons donc envisagé de déployer une campagne d’affichage animée au sein des réseaux de transport urbain par le biais d’abribus connectés, à l’intérieur d’un triangle géographique formé par Montréal, Québec et Trois-Rivières, qui ferait la promotion d’une expérience unique à vivre au MAJ. Ensuite, nous voulions créer localement un objet de curiosité, attractif et en interaction immédiate avec le visiteur. La multiplicité des œuvres exposées nous a conduites à nous inspirer d’une forme internationalement reconnue, le Rubik’s Cube. Celui-ci répondait effectivement à nos critères puisqu’il est reconnu pour ses combinaisons infinies qui peuvent être transposées afin de refléter la multitude des œuvres potentiellement exposées ou détenues en réserve. L’analogie entre les faces du cube et le nombre d’œuvres du MAJ nous a semblé aussi intéressante comme acteur d’une expérience partagée.
Positionné dans l’espace d’accueil, le visiteur est donc interpellé avant même d’accéder à la billetterie. Se plaçant à une distance préalablement définie du cube, positionné sur un axe motorisé, le visiteur découvre en primeur les œuvres du MAJ reproduites sur ses faces en plexiglas translucide.
Chaque œuvre étant reliée à un cartel interactif, en s’approchant du cube et en désignant spécifiquement une face, le visiteur déclenche, grâce à un système de capteurs de distances individualisés sous chacune de ses surfaces, l’apparition des informations qui s’y rapportent en surimpression – nom de l’œuvre, de l’artiste, l’année de sa réalisation et la collection dont elle est issue. De plus, ces dernières aident le visiteur à se déplacer à travers le musée en lui indiquant l’emplacement de l’œuvre ou, le cas échéant, lui signale qu’elle est actuellement en réserve.
Aucune face n’étant statique, la programmation du système assure une transposition continue des œuvres entre les faces, bien qu’une seule affiche, de manière aléatoire, un point d’interrogation. Dès lors, la curiosité s’éveille, un flash trahit une prise de photo, mais rien ne révèle l’utilité de cette dernière. Seconde intervention, le visiteur interpellé se dirige alors vers la billetterie. Son titre d’accès, sur lequel s’affiche son portrait transposé sur une des œuvres du MAJ, lui est remis. Le document est ainsi potentiellement promis à être conservé en souvenir et devient un objet de mémoire et une invitation à une prochaine visite. En raison de la démocratisation probable à court terme des imprimantes 3D, une version alternative est dès aujourd’hui envisageable, la reproduction en 3D soit du MAJ en termes d’architecture, soit celle du cube accompagné des informations présentes sur un titre d’accès conventionnel.
Nous pensons que ce sont des interventions de cette nature, complétées par des collections soigneusement documentées et des expositions renouvelées qui permettront d’attirer au MAJ une clientèle plus large, lui assurant une pérennité et une visibilité définitives, ce qui pourrait attirer de futurs donateurs. Les déclinaisons potentielles d’expériences interactives sont les promesses de découverte des musées et le MAJ pourrait être le premier bénéficiaire des innovations technologiques désormais disponibles.
Deuxième billet de la série intitulée "MSL 6512 / Retour sur les initiatives étudiantes pour une mise en valeur du patrimoine régional québécois", éditée par Philippe Denis.