Présentation de mes recherches postdoctorales sur la Grande Noirceur et Révolution tranquille 2.0
22 September 2015 - 10:05pm
Après m’être intéressé aux origines caricaturales de la Grande Noirceur duplessiste dans le cadre d’un doctorat en histoire à l’Université Laval, sous la direction de Jocelyn Létourneau, j’ai débuté depuis peu un stage postdoctoral à l’Université d’Ottawa, auprès de Kevin Kee, membre du comité exécutif de THEN/HiER. Ce projet de recherche, financé par le Fonds de recherche du Québec - Société et Culture, s’intitule « Grande Noirceur et Révolution tranquille 2.0 : pour une analyse de la mémoire collective à l’ère de Twitter ».
Tout au long du conflit étudiant et de la campagne électorale québécoise de 2012, un phénomène fascinant s’est produit sur Twitter que j’appelle la Grande Noirceur et Révolution tranquille 2.0. Du 16 mai au 12 septembre 2012, j’ai relevé plus de 6000 tweets qui évoquent le souvenir de la Grande Noirceur et de la Révolution tranquille. Ces deux mythistoires du Québec contemporain occupent une place de choix dans l’imaginaire collectif des Québécois. Ils articulent une conception dichotomique du passé où l’année 1960 apparaît comme une fracture entre un Avant sombre et un Après lumineux. Actualisés ou apprêtés au goût du jour, ces mythistoires ont servi les intérêts de tout un chacun. Ils sont devenus pour ainsi dire de véritables hashtags – des mots-clés – du conflit étudiant et de la campagne électorale, permettant aux utilisateurs de participer à des discussions en temps réel.
Limités à seulement 140 caractères sur Twitter, les utilisateurs n’ont d’autre choix d’aller à l’essentiel, d’où le recours à ces images fortes, symboliques, de la Grande Noirceur et de la Révolution tranquille qui font sens pour eux. Ils font sens, mais ce sens est négocié, contesté, disputé. N’empêche, il se pourrait bien que le recours à ces mythistoires, dans un contexte des plus polémiques où le désaccord prime sur le consensus, puisse également être considéré comme une manière pour ces utilisateurs de faire société, de contribuer ou de participer, en quelque sorte, au vivre-ensemble. En utilisant ainsi ces mythistoires sur Twitter, cela permet non seulement à ces utilisateurs de produire un discours, mais aussi de rejoindre un certain public dont les membres ont en commun les mêmes références identitaires, le même vocabulaire mémoriel. Ce qui permet par le fait même aux membres de ce public – voire, de cette communauté – de se retrouver sur Twitter.
Comment ces mythistoires ont-ils été utilisés durant le conflit étudiant et la campagne électorale? À quelles fins? Qu’est-ce que cela nous apprend non seulement sur les dynamiques présentes sur Twitter, parmi les utilisateurs, mais sur ces mythistoires eux-mêmes? C’est ce que je compte explorer dans le cadre de ce projet postdoctoral.
À ce jour, j'ai commis deux textes publiés ou en voie de paraître qui portent sur la Grande Noirceur et Révolution tranquille 2.0:
« Grande Noirceur et Révolution tranquille en 140 caractères : deux mythistoires du Québec contemporain sur Twitter en 2012 », Québec Studies. À paraître.
Ces articles, et d'autres, sont également accessibles sur ma page Academia.edu.