Explorer les différentes perspectives des acteurs historiques de la Seconde Guerre mondiale
16 February 2015 - 10:19pm
« La perspective historique est un outil qui permet d’examiner le passé en se fiant aux conditions sociales, intellectuelles, émotives et morales d’une autre époque. » (Lévesque, Denos & Case, 2013)
La période de la Deuxième Guerre mondiale est fort documentée. Nous pouvons facilement mettre la main sur beaucoup de sources primaires comme par exemple : des photographies, des affiches de propagande, des plans de bâtiments, des vidéos, des correspondances, des journaux, etc. En tant qu’enseignante d’histoire du Québec et du Canada en 4e secondaire, je désire que mes élèves découvrent et exploitent les nombreuses traces du passé de la Seconde Guerre mondiale, plus particulièrement les documents iconographiques. J’ai élaboré une activité portant sur cette période dans laquelle j’ai intégré des concepts de la pensée historique. Deux concepts, parmi les six concepts de la pensée historique présentés par Seixas et Morton (2013), ont été ciblés pour cette activité. Les élèves devront être en mesure de recourir à des sources primaires et d’adopter une perspective historique. L’intention pédagogique souhaitée est la reconnaissance par les élèves de la diversité des points de vue et des expériences personnelles et collectives au cours de l’histoire, celles-ci présentes dans les traces du passé.
Le déroulement
Afin de bien mener à terme cette activité, j’ai prévu trois périodes de 60 minutes. La première période constitue l’amorce du projet dans laquelle j’expose de façon explicite les rudiments de base des concepts de la pensée historique. La seconde période est consacrée à la réalisation de l’activité, la recherche documentaire sur Internet et dans différents livres ainsi qu’au traitement de l’information. La troisième période est la mise en commun des différents sujets analysés par les élèves et une évaluation par les pairs.
La préparation
L’apprentissage de la pensée historique est un processus difficile pour les élèves. C’est également un processus non-naturel puisque sa réalisation va à l’encontre de la manière dont nous pensons habituellement (Wineburg, 2001). La phase de préparation à la démarche d’apprentissage est importante car elle permet de bien préparer les élèves à réaliser une activité dont l’objectif ne se limite pas à l’utilisation des documents historiques mais bien au développement d’habiletés propres à la méthode historique. Elle détermine aussi, pour une bonne part, la qualité de l’engagement de l’élève (Ouellet, 1997). Afin d’aborder les concepts de la pensée historique, j’ai questionné les élèves sur la différence entre le passé et l’histoire. Je voulais faire appel à leurs connaissances antérieures et à leur capacité de réflexion. Puisqu’en histoire, le récit s’articule autour des traces issues du passé, j’ai présenté aux élèves un texte historique de la période de la Deuxième Guerre mondiale. Après avoir lu attentivement le texte, les élèves devaient identifier les acteurs historiques concernés par le texte. Ils devaient aussi identifier les ressemblances et les différences entre les visions du monde actuel et celles du passé. En effet, l’adoption d’une perspective historique exige une compréhension des grandes différences entre nous qui vivons dans le présent et ceux qui vivaient dans le passé. L’exercice a aussi pour but de faire réaliser aux élèves que le passé est à la fois un monde étrange et familier et que, par conséquent, celui-ci doit être étudié en tenant compte des différentes perspectives des acteurs historiques. Si l’on ramène ce raisonnement à l’activité proposée, cela signifie que pour bien comprendre la Seconde Guerre mondiale, il faut explorer les diverses perspectives (points de vue) des différents acteurs historiques puisque ceux-ci n’ont pas la même perspective sur les événements les concernant.
La réalisation
Les élèves au collège où j’enseigne possèdent tous un portable. Ce contexte offre une multitude de possibilités quant à la forme que peuvent prendre les projets réalisés en classe d’histoire. Le vaste choix de logiciels disponibles en ligne permet aux élèves d’être très créatifs dans la présentation de leurs travaux. Pour cette activité portant sur la Seconde Guerre mondiale, chaque élève doit choisir un personnage historique ou un groupe de personnes concerné par cet événement. Par exemple, les élèves peuvent choisir des sujets présentant des groupes de personnes tels que les femmes canadiennes dans l’industrie de la guerre, les Japonais à Pearl Harbor, les Juifs du ghetto de Varsovie, etc. Aussi, ils peuvent choisir des personnages impliqués directement dans la guerre tels que Churchill, Roosevelt, Mackenzie King, Hitler, etc. Ensuite, les élèves doivent trouver une photographie ou une image de l’époque en lien avec leur choix.
Après avoir fait son choix, l'élève insère la photographie dans le logiciel en ligne Thinglink. Par la suite, l’élève appose des puces sur la source iconographique dans lesquelles il inscrit des informations (texte, liens hypertextes, liens vidéo, etc.). Minimalement, sept puces doivent être apposées sur l’image. Les premières puces sont en lien avec l’analyse documentaire et répondent au questionnement de base (qui ? quoi ? quand ? où ?). De plus, une puce doit contenir un indice permettant de situer la photographie dans le contexte historique, celui de la Deuxième Guerre mondiale. Ensuite, une puce doit contenir une question d’enquête en lien avec le document qui peut être répondue par un pair. Pour répondre à cette question, une autre puce doit contenir un lien hypertexte qui dirigera l’élève vers un site Internet contenant l’information. Finalement, une dernière puce contient des explications sur la perspective (point de vue) du personnage ou groupes de personnes concernés par la seconde Guerre mondiale.
L’évaluation par les pairs
L’évaluation par les pairs est une activité collective dans laquelle les élèves jugent de façon critique les travaux des autres élèves en se référant aux critères d’évaluation. Ainsi, les élèves peuvent donner des rétroactions du travail et participent activement à l’évaluation. Lorsque tous les élèves ont terminé l’analyse de leur photographie, ceux-ci présentent les résultats de leurs recherches aux autres élèves de la classe. Pour y parvenir, les élèves sont regroupés en équipe de quatre, les pupitres sont rassemblés en ilots et les ordinateurs demeurent ouverts. Chaque élève évalue trois coéquipiers à l’aide d’une grille. Il doit également répondre aux questions posées dans chacune des images. Cette étape amène les élèves à réaliser à quel point les différents acteurs de l’histoire ont pu agir selon des croyances et des idéologies contradictoires. Une fois cette compétence acquise, celle-ci pourrait être réinvestie en demandant ultérieurement aux élèves de formuler une argumentation historique basée sur l’utilisation de sources multiples. Nous trouvons plusieurs exemples de questions requérant cette habileté dans les épreuves ministérielles de quatrième secondaire.
Références :
Lévesque, S., Denos, M., Case, R. (dir.) (2013). Enseigner la pensée historique. Vancouver : The Critical Thinking Consortium
Ouellet, Y. (1997). Un cadre de référence en enseignement stratégique. Vie pédagogique. 104 (sept-oct.), p. 4-11.
Seixas, P., & Morton, T. (2013). Les six concepts de la pensée historique. Montréal : Modulo.
Wineburg, S. (2001). Historical Thinking and Other Unnatural Acts. Philadelphie : Temple University Press.